Les héros sont fatigués. Dix jours après la fin du championnat du monde masculin de handball, c’est déjà l’heure de la reprise. Jeudi soir, le HBC Nantes recevait le Paris-Saint-Germain pour un match de poule de la Ligue des champions (les Parisiens l’ont emporté 34-31, confortant leur première place dans leur groupe). Pour leur part, les joueurs de Montpellier affrontent les Biélorusses du Meshkov Brest, samedi, avec l’obligation de battre ces derniers avec quatre buts d’écart pour rester dans la course.

Le délai est-il trop court, alors que le championnat du monde a déjà essoré les joueurs avec 10 matchs en 17 jours ? De retour du Danemark, les internationaux parisiens, dont le champion du monde Mikkel Hansen, n’ont pu bénéficier que de trois jours de coupure avant de reprendre la musculation. « Mais la vraie reprise était lundi dernier [le 4 février] », précise Bruno Martini, manager général du club de la capitale.

À Nantes, le groupe a repris l’entraînement collectif vendredi 1er février tandis que les Montpelliérains ont eu une reprise à la carte. Un temps de récupération qui semble assez court mais est pourtant plus long qu’avant, précise l’entraîneur du MHB, Patrice Canayer, pour qui le handball n’est pas vraiment à plaindre :

« La Ligue nationale a fait un gros effort pour bien aménager les calendriers. Avant, on avait notamment le Hand Star Game qui arrivait quatre ou cinq jours après le Mondial. Les joueurs bénéficient, avec leurs clubs, de cinq semaines de congés l’été et deux l’hiver. Après, la fréquence des matchs, c’est autre chose. »

« Une certaine forme d’usure »

Après un Mondial aussi dense qu’intense, la fatigue est à la fois physique et mentale. « Le Mondial, c’est un événement où on joue les matchs au couteau, observe Bruno Martini. Une fois qu’on a réussi l’objectif, ou pas, il faut repartir sur tout autre chose, c’est la plus grosse difficulté. Il y a une certaine forme d’usure ».

Pour lui, le calendrier est « infernal », notamment en raison de l’organisation d’une compétition internationale chaque année. Un rythme qui la « galvaude » et « n’est bon ni pour le spectacle proposé, ni pour l’intégrité physique des joueurs ».

« Cette saison, c’est 55 matchs avec le club, un championnat du monde avec 10 matchs en 17 jours, des périodes internationales. » Les matchs à très haute intensité sont devenus la norme, en Ligue des champions notamment. « A chaque rencontre on joue un prétendant au titre, il faut sortir le match de notre vie pour essayer d’exister », insiste l’international de Montpellier Valentin Porte.

« On ne va pas se tuer »

Lors du championnat du monde, le Danois Rasmus Boysen a établi une liste de tous les joueurs blessés pendant la compétition pour dénoncer ce rythme intenable. Pour Valentin Porte, « il faudrait que les grandes instances comme l’EHF (fédération européenne, organisatrice de la Ligue des champions, N.D.L.R.) ou l’IHF (fédération internationale) écoutent un peu les plaintes et les revendications des joueurs et de tous ceux qui vivent au quotidien ce rythme. On est des sportifs, c’est notre boulot, mais on ne va pas se tuer pour faire plaisir à ces instances. »

« Les fédérations européenne et internationale augmentent la cadence pour avoir plus de diffusion et de revenus, déplore Olivier Girault, président de la Ligue nationale de handball. Le souci de la récupération des joueurs n’est pas leur priorité. »

Pour Bruno Martini, c’est aux joueurs, « qui font le spectacle », de faire entendre leur voix pour alléger les calendriers. « Ils sont d’accord dans l’ensemble mais rare sont ceux qui vont monter réellement au créneau auprès des instances pour revendiquer quelque chose. »

Pour le moment, les joueurs ne semblent pas en mesure d’organiser un mouvement d’ampleur comme une grève des matchs, même si Valentin Porte affirme que « si les choses ne changent pas, on va y venir ».

Clément Argoud