Les logos de Nissan et Renault chez unconcessionnaire à saint-Avold, en Moselle, le 15 janvier. / Christian Hartmann / REUTERS

Aussitôt sortie au Japon, l’information a été démentie par Paris. Jeudi 7 février, le quotidien économique nippon Nikkei a indiqué que le gouvernement français était prêt à réduire la participation de Renault dans Nissan et qu’il en aurait informé Tokyo. Le cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, a opposé un « démenti catégorique ». Mais cet article illustre l’état de défiance qui s’est installé entre Français et Japonais dans le dossier Renault-Nissan.

Citant une source gouvernementale, le Nikkei écrit que Paris a fait savoir à Tokyo son intention de revoir les parts de Renault dans le capital de Nissan (43,4 %) « dans un geste de conciliation ». En revanche, poursuit le Nikkei, le constructeur français envisagerait de nommer son nouveau président, Jean-Dominique Senard, à la présidence de Nissan. « Les dirigeants de Nissan et le gouvernement japonais s’inquiètent d’une tentative de l’Elysée d’intervenir dans le fonctionnement de l’Alliance », poursuit le Nikkei, tout en ajoutant que « les deux constructeurs semblent disposés à faire des concessions ».

Manœuvres en coulisses

Le Nikkei a-t-il voulu lancer un ballon d’essai, prendre les devants d’une hypothétique initiative de Paris ? En tout cas, l’article est révélateur des manœuvres en coulisses des deux gouvernements. L’Etat français, premier actionnaire de Renault, se fait légitimement entendre. Tout en se retranchant derrière le fait que Nissan est une entreprise privée, le gouvernement japonais œuvre aussi de manière plus discrète mais non moins appuyée.

Un peu plus d’un mois après la démission de Carlos Ghosn de son poste de PDG de Renault, incarcéré au Japon depuis le 19 novembre 2018 pour malversations financières, les signes d’animosité entre les deux constructeurs se multiplient. Dans son édition du vendredi 8 février, le Financial Times publie les extraits de courriers accusateurs échangés entre le 16 et le 26 janvier par les cabinets avocats de chacune des sociétés.

Les conseils de Renault y reprochent amèrement à Nissan d’avoir caché l’enquête sur M. Ghosn, préférant collaborer en secret avec les procureurs japonais, un comportement jugé « en contradiction absolue avec les décennies d’entente entre Renault et Nissan ». De son côté, le cabinet de Nissan accuse Renault d’avoir freiné tout effort pour révéler la vérité sur les pratiques de son ex-PDG.

Quel nouveau président pour Nissan ?

Une fois ces politesses échangées, il reste à régler l’un des premiers – et principaux – différends entre Nissan et Renault : la désignation du nouveau président du groupe japonais, sujet qu’il faudra trancher dans les semaines qui viennent. Aux termes de l’accord d’alliance entre les deux entreprises, Renault a le droit de nommer le président de son partenaire.

Selon une source proche du dossier, l’équipe dirigeante actuelle de Nissan serait opposée au projet prêté à Renault de désigner Jean-Dominique Senard, à la présidence de l’entreprise japonaise.

Selon nos informations, M. Senard se rendra à Tokyo dans la semaine du 11 au 17 février pour rencontrer les dirigeants de Nissan et essayer d’aplanir les différends. Les premiers échanges sont très courtois et concentrés sur les questions économiques plus que politiques. Jusqu’à présent, Renault n’a jamais annoncé officiellement vouloir que M. Senard occupe les fonctions de président de Nissan. Hiroto Saikawa, actuel directeur exécutif de Nissan, avait envisagé prendre la présidence par intérim. Son ambition semble compromise en raison d’oppositions internes. La question de la présidence devra être tranchée lors de l’assemblée générale de Nissan prévue le 8 avril.

En dépit de leurs divergences internes, les dirigeants actuels de Nissan semblent s’entendre sur un point : ne pas se retrouver dans la situation d’une direction « dictatoriale » comme du temps de Carlos Ghosn.

En attendant, le conseil d’administration de Nissan a proposé, mardi 5 février la nomination de Jean-Dominique Senard, au poste d’administrateur en remplacement de Carlos Ghosn. Annonce saluée comme « une très bonne nouvelle » par Bruno Le Maire. La nomination de M. Senard devra être approuvée lors de l’assemblée générale extraordinaire qui votera aussi la destitution de leur fonction d’administrateurs de M. Ghosn et de son « bras droit » Greg Kelly.