Robin Amaz, à quelques jours de l’embarquement, à la Laguna Torre, en Patagonie, le 29 janvier. / Camille Amaz pour M Campus

Petit, Robin Amaz éteignait tous les radiateurs de son école primaire avant d’aller en récréation, « pour économiser l’énergie ». A 21 ans, il monte une expédition étudiante dans l’Antarctique – la première du genre – pour observer les effets du réchauffement climatique. Dimanche 10 février, au petit matin, ils seront cinq – quatre jeunes étudiants ingénieurs de son école, les Mines d’Albi, et sa sœur Camille Amaz, biostatisticienne à Lyon – à embarquer sur le Podorange, un voilier de vingt mètres, depuis Ushuaïa, en Patagonie, dans l’extrême sud de l’Argentine.

Comme nombre d’autres jeunes de sa génération, et à l’heure où le manifeste étudiant pour un réveil écologique, lancé à l’automne dernier, frôle les 30 000 signatures, Robin Amaz considère le combat contre le changement climatique comme la cause prioritaire de l’époque.

Le réchauffement de la planète, il en a vu les effets concrets sur le glacier des Bossons, près de Chamonix (Haute-Savoie), dans les Alpes, où vit sa famille paternelle. « Le glacier recule à vue d’œil, déplore l’étudiant ingénieur. Cela me brise le cœur que notre société, qui a su prendre parti de tant d’avancées technologiques, se mette ainsi en péril, elle et l’environnement. » Lui veut se départir du « pessimisme ambiant » et s’engager concrètement. « Nos grands-parents sont sortis de la seconde guerre mondiale, nos parents ont bâti un système pour garantir la paix, c’est maintenant à notre génération de faire en sorte de conserver cette paix et de créer une société durable », affirme le garçon de 21 ans. Car il le sait : « Ça ne pourra pas être à nos enfants de le faire. Il sera déjà trop tard. »

Ce voyage au pôle Sud, le jeune Lyonnais y pense depuis des années. Né dans une famille d’enseignants, ses parents lui donnent très tôt le goût du voyage, mais aussi la fibre entrepreneuriale. « A 50 ans, ma mère a quitté l’éducation nationale pour créer son entreprise d’écharpes en soie. Toute la famille l’a aidée dans son projet et mon père l’y a rejointe. Les voir autant se régaler, jour après jour, m’a donné envie de me lancer à mon tour. »

Sur le bateau, équipé de matériels fournis par les partenaires scientifiques de l’expédition (le CNRS, l’Ifremer, Greenpeace), les étudiants récolteront des données sur les communautés de planctons (principaux absorbeurs de CO2 de la planète), sur les courants océanographiques et sur la présence de microplastiques qui polluent les eaux de l’Antarctique. Ils seront également les objets d’une étude, menée par Camille Amaz, sur la réaction cardiovasculaire du corps face à un milieu extrême.

Une traversée qui n’aura rien d’une balade de santé

Trouver les partenaires susceptibles de donner du crédit à cette expédition n’a pas été de tout repos. « Comme nous étions jeunes et que nous n’avions aucun contact dans le milieu, les institutions scientifiques et les chercheurs avaient du mal à nous faire confiance », raconte Robin Amaz, depuis Göteborg (Suède), la ville où il achève son semestre d’Erasmus, avant l’embarquement. Au début, le projet n’était pas pris au sérieux. « C’était dur de se démener autant et de recevoir des e-mails de chercheurs qui nous rétorquaient que plutôt que de tenter de déguiser nos vacances sur un voilier en travail scientifique, nous ferions mieux de partir nous dorer au soleil des Caraïbes. »

Pour souder l’équipe, les membres de « Amaz-ing Antarctique » ont passé deux semaines ensemble en Patagonie avant d’embarquer sur le voilier. Le 25 janvier, en Patagonie. / Camille Amaz pour M Campus

Robin Amaz, en première année de master, planche sur ce projet d’envergure depuis son arrivée à l’école albigeoise, en troisième année de licence. D’abord en solo, pour solidifier le projet et le présenter à l’école – qui accepte d’aménager sa formation – puis avec son équipe, « des personnes avec lesquelles je m’imaginais vivre un tel périple », précise le jeune homme aux longs cheveux blonds. Car, outre la promiscuité induite par la taille du bateau, la traversée n’aura rien d’une balade de santé pour l’équipe : température jusqu’à - 10 °C, vagues gigantesques, humidité qui renforce la sensation de froid, et surtout le danger, à l’esprit de tous, représenté par les gros icebergs qui dérivent dans les eaux du Sud.

S’il connaît ses bases en voile, Robin Amaz n’aurait pu tenir la barre dans de telles conditions de navigation. Il a fait appel à une équipe de skippers, basée à Ushuaïa, qui sera chargée de les mener à bon port jusqu’à la base scientifique ukrainienne d’Akademik Vernadsky. Bateau, équipage et équipement contre le froid… Le coût de ce mois d’expédition est chiffré à 65 000 euros. Si l’équipe étudiante a pu obtenir certaines aides, de la part de leurs mairies d’origines, de partenaires économiques, de leur école, ou encore d’un crowdfunding (avec lequel ils ont récolté plus de 9 000 euros), ils ont malgré tout dû débourser beaucoup de leur propre poche. « L’expédition était tellement importante pour nous que nous étions tous partants pour le faire », assure Robin Amaz.