Le saxophoniste Baptiste Herbin. / BAPTISTEHERBIN.COM

Longtemps accueillie au Grand Foyer du Théâtre du Châtelet, puis dans la salle parisienne du Pan Piper, en 2018, l’Académie du jazz a trouvé un nouveau lieu prestigieux pour sa cérémonie de remise des prix, samedi 9 février : le splendide auditorium de La Seine musicale, sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). La vénérable institution, fondée en 1954, a combiné à la remise des prix une soirée en hommage au pianiste Michel Petrucciani, mort le 6 janvier 1999. Il avait reçu le prix Django Reinhardt, qui met en valeur un musicien français, en 1981, dans les premiers temps de sa carrière. Signe, comme souvent dans les choix de l’Académie du jazz pour ce prix, d’un sens certain à repérer les musiciens destinés à de belles carrières.

Pour la présente édition, c’est le saxophoniste Baptiste Herbin qui a été désigné prix Django Reinhardt – soutenu par la fondation BNP Paribas, qui remet 3 000 euros au vainqueur –, par la soixantaine de membres de l’Académie du jazz (dont ne fait partie le signataire de ces lignes). Originaire de Chartres, Baptiste Herbin, âgé de 31 ans, est passé par la classe de jazz dirigée par le contrebassiste Riccardo Del Fra au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, avant d’enregistrer un premier album, Brother Stoon, en 2011. Dans son court discours de remerciement, il précisa être autant influencé par le funk du saxophoniste Maceo Parker que par les grands solistes du bop et les musiques du Brésil.

Le prix du disque français a été attribué à l’album Left Arm Blues and Other New York Stories (Jazz & People/PIAS) du trompettiste Fabien Mary et le grand prix, qui récompense le « meilleur disque de l’année », est allé à Concentric Circles (Blue Note/Universal Music), du pianiste américain Kenny Barron. En tout dix prix ont été décernés. Dont celui du jazz vocal – genre dont le président de l’Académie du jazz, François Lacharme, rappela qu’il est celui « qui tire un peu le marché » –, attribué à The Question (Okeh/Sony Music), de Kurt Elling. Le chanteur américain ne pouvant venir en raison d’engagements professionnels, c’est à un autre finaliste de cette catégorie, l’Américain Allan Harris, nommé pour son album The Genius of Eddie Jefferson, qui est venu chanter en duo avec le pianiste et organiste Laurent Coulondre.

Michel Petrucciani à l’honneur

Après un court entracte, la deuxième partie de la soirée aura été tout à l’honneur de la musique de Michel Petrucciani. Le concert affichait complet depuis plusieurs semaines et l’un des fils du pianiste, Alexandre, est venu remercier, en ouverture, le public et les musiciens. « C’est grâce à vous que sa mémoire et sa musique perdurent. C’est vous qui le faites exister à travers votre passion, votre amour pour lui. » Du solo à la moyenne formation, les compositions de Michel Petrucciani auront ainsi fait entendre tout leur pouvoir lyrique, interprétées par des instrumentistes ayant pour certains côtoyé le pianiste.

A ce poste, Franck Avitabile (superbe solo au début de la soirée, sur J’aurais tellement voulu) et Jacky Terrasson ont révélé tout leur talent à être autant dans le souvenir de Petrucciani que d’en donner une vision personnelle. A la contrebasse, Géraud Portal aura été un modèle de musicalité, apportant assise et swing à l’ensemble des formations. On gardera aussi en mémoire la générosité, l’attention aux autres du saxophoniste Joe Lovano, dansant, ravi de l’emportement musical, le sien et celui de celles et ceux avec qui il joua, notamment lors de Training, avec le trompettiste Flavio Boltro, le batteur Lenny White, Jacky Terrasson et Géraud Portal.

Avant que n’entre en scène Joe Lovano, l’autre batteur de la soirée, Aldo Romano, avait tenu à lire un extrait de son livre de souvenirs. Voix douce, ému, il fit revivre la première rencontre avec Petrucciani, en août 1980, un premier enregistrement dans un studio de fortune, le début d’une histoire d’amitié, les premiers concerts ensemble. Court portrait émouvant d’un Michel Petrucciani débordant d’envie de musique, de vitalité, de joie.

Le palmarès de l’année 2018 de l’Académie du jazz

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : le saxophoniste Baptiste Herbin

Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) : Concentric Circles, de Kenny Barron Quintet (Blue Note/Universal Music)

Prix du disque français : Left Arm Blues (And Other New York Stories), de Fabien Mary
(Jazz & People/PIAS)

Prix du musicien européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) : le tromboniste et compositeur suisse Samuel Blaser

Prix de la meilleure réédition : The Savory Collection 1935-1940 (Mosaïc Records), recueil d’enregistrements réalisés par l’ingénieur du son Bill Savory

Prix du jazz classique : Hommage à Duke Ellington, du tentette Les Rois du fox-trot (Ahead/Socadisc)

Prix du Jazz vocal : The Question, de Kurt Elling, (Okeh/Sony Music)

Prix soul : Homemade Lemonade, de Theo Lawrence and The Hearts (BMG/Warner Music)

Prix blues : My Future Is My Past, de Walter « Wolfman » Washington (Anti/PIAS)

Prix du livre de jazz : Monk !, de Youssef Daoudi (Les Editions Martin De Halleux)

Prix spécial de l’Académie du Jazz : le pianiste Martial Solal, pour l’ensemble de son œuvre