Paul Pogba et son entraîneur, Ole Gunnar Solskjaer, samedi 9 février. / IAN KINGTON / AFP

La Norvège a des effets tonifiants sur Paul Pogba. Le milieu de Manchester United (MU) se porte comme un charme depuis qu’Ole Gunnar Solskjaer a remplacé José Mourinho à la tête des Red Devils, le 19 décembre 2018. Le Français a retrouvé le sourire et le chemin des filets avec huit buts inscrits sous les ordres de son nouvel entraîneur.

Après son doublé, samedi 9 février, contre Fulham (3-0), en Premier League, il est même devenu le meilleur buteur de son club avec onze buts. Pogba n’avait jamais été aussi prolifique en championnat. Des statistiques que l’enfant de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) espère améliorer face au Paris-Saint-Germain, ce mardi 12 février à Old Trafford, en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions. Pas de solidarité francilienne qui tienne.

« On connaît la qualité de Paul en ce moment, quand il attaque. Il joue à son potentiel, a commenté, samedi, Ole Gunnar Solskjaer, qui avait déjà entraîné le champion du monde, en 2010, lorsque ce dernier évoluait avec la réserve de MU. On essaie de mettre les joueurs dans des positions où ils peuvent faire mal à l’adversaire. Et Paul, avec son énergie, sa force dans la surface, il va être un problème pour tout le monde. Il répond bien à la façon dont nous essayons de travailler désormais. »

Repositionné en meneur de jeu

D’emblée, l’ex-« Super Sub » (remplaçant) et ancien buteur des Diables rouges sous l’ère Alex Ferguson (1996-2007) a eu le nez creux en le repositionnant dans un rôle de meneur de jeu, plus conforme à ses qualités offensives. Au quotidien, il prend soin de valoriser le « Frenchie », autour duquel il a bâti son dispositif. En retour, Pogba s’est mis au service de l’équipe, optant pour davantage de vitesse, de sobriété et de justesse. Loin de l’image de joueur individualiste et égotique qu’il a longtemps cultivée.

Situé plus haut sur le terrain, Pogba bénéficie de plus de liberté et s’appuie sur le solide tandem formé au milieu par le Serbe Nemanja Matic et l’Espagnol Ander Herrera. Buteur, le Français reste par ailleurs le principal pourvoyeur de ballons de son équipe.

Depuis la nomination de Solskjaer, il est impliqué sur treize réalisations de son équipe, avec cinq passes décisives à la clé. « Avant son arrivée, j’étais dans l’ombre, sur le banc, et j’acceptais, a récemment commenté Pogba. C’est un plaisir de jouer à nouveau. Maintenant, j’ai tout le temps le sourire. »

L’ex-joueur le plus cher du monde, transféré de la Juventus Turin à Manchester United à l’été 2016 pour 105 millions d’euros, ne regrettera pas cet « avant », synonyme de spleen, frustration et contrariété.

Avanies et fâcheries sous l’ère Mourinho

Pour Pogba, l’ère Mourinho (2016-2018) a coïncidé avec une longue succession d’avanies, de fâcheries et de foucades. Entre la star excentrique à la langue bien pendue et le très clivant et dirigiste technicien, les rapports étaient toxiques. Enclin à parfois reléguer le Français sur le banc des remplaçants, le « Special One » a pris un malin plaisir à le piquer au vif. A mesure que Manchester United collectionnait les mauvais résultats et s’enfonçait dans la crise, les critiques acerbes du Portugais se polarisaient sur son numéro 6.

A l’automne 2018, la tension est montée d’un cran. Au point d’inciter Pogba à chercher la porte de sortie, comme l’a révélé son frère, Mathias, sur RMC. Le milieu a donc accueilli avec satisfaction le limogeage de Mourinho : dès l’annonce de son départ, le Français a posé fièrement sur Twitter avec un rictus narquois.

« Paul ne faisait pas confiance au coach et le coach n’avait pas confiance en Paul, a récemment déclaré à la chaîne américaine ESPN le buteur suédois Zlatan Ibrahimovic, qui a évolué avec Pogba à Manchester United (2016-2018) sous les ordres du Portugais. C’est difficile d’être performant si vous n’avez pas la confiance du coach et que vous n’avez pas l’énergie, la motivation, et José a ressenti la même chose à l’égard de Paul. »

« Paul marche à l’affectif »

Vainqueur du Mondial en Russie avec Pogba, le Turinois Blaise Matuidi partage ce constat. « Cela s’est bien passé la première année à Manchester pour Paul [victoire en Ligue Europa en 2017]. Mais il y a eu de petites choses qui ont fait, à un moment donné, qu’il était moins bien. Aujourd’hui, il revient, il est au top, confie le milieu des Bleus au Monde. C’est quelqu’un qui a besoin d’avoir une certaine liberté, de la confiance. Il a besoin d’affection aussi. Il fait partie de ces grands joueurs qui ont besoin de sentir qu’on compte sur eux»

Ce n’est pas un hasard si la bonne passe traversée par Pogba correspond au rebond des Red Devils sous l’ère Solskjaer (dix victoires en onze matchs), remontés à la quatrième place en championnat. Adulé par les supporteurs de United, couvé au quotidien par son agent, Mino Raiola, et son avocate, Rafaela Pimenta, le Francilien prend aussi une revanche personnelle au sein d’un club où il a entamé sa carrière de la pire des manières.

Formé au Havre (HAC), il a déclenché une tempête médiatique et juridique en quittant la formation normande, en 2009, pour le centre de formation de Manchester United. A l’époque, les Red Devils proposent à l’apprenti un contrat de 15 000 euros mensuels à ses 17 ans. Le président du HAC, Jean-Pierre Louvel, rue alors dans les brancards et la Fédération française de football refuse de signer la lettre la sortie de Pogba.

Un accord à l’amiable est finalement trouvé après que l’adolescent a franchi la Manche. En manque de temps de jeu en Angleterre, alternant les allers-retours entre l’équipe réserve et le banc des remplaçants, Pogba parfait sa réputation d’« enfant terrible » quand il ose tenir tête à Sir Alex Ferguson, le manageur mancunien.

En mars 2012, à 19 ans, il réclame son bon de sortie au technicien écossais, véritable institution au club, et file à la Juventus Turin. « Nous sommes déçus. Il nous a manqué de respect. Pour être honnête, je préfère le voir loin de nous », déclare, en guise d’adieux, un Alex Ferguson glacial.

Sept ans plus tard, nul doute que l’ex-manageur, retiré des terrains depuis 2013 mais très influent à MU depuis la nomination de Solskjaer, doit regretter ses propos.