France 2, mardi 12 février à 21 heures, documentaire

Du 14 juillet 1919 au 2 septembre 1939, la France a connu les plus grands espoirs, mais aussi le pire effroi. Dès lors, cet ­entre-deux-guerres mondiales ne cesse de poser question, brandi comme une menace qui ne ­demanderait qu’à se reproduire. « Une décennie s’ouvre qui ressemble à la nôtre », annonce la voix de l’acteur et réalisateur Denis Podalydès, en introduction des deux documentaires qui s’enchaînent sur France 2, mardi 2 février à partir de 21 heures. Par ce prisme, il ­titille l’intérêt – cette époque est-elle vraiment comparable à la ­nôtre ? Il justifie que l’on se plonge, une fois encore, dans les archives.

Les premiers instants de l’immédiat après-guerre plombent toute velléité de comparaison : un million et demi de morts, 4,5 millions de blessés. A l’écran, les ruines des villes rasées. Dans les jardins d’un asile, un jeune homme au regard doux et vide : « Il n’est pas là pour plaisanter, mais pour souffrir », prévient le commentaire. Les visages des « gueules cassées » paraissent irréels. L’un d’eux, filmé de profil, n’a plus de profil.

Economiquement, la première décennie est marquée par la ­reconstruction. Partout les usines sortent de terre, avides d’ouvriers venus des campagnes ou immigrés des pays voisins, pour travailler à la chaîne. La classe ouvrière loge en banlieue, heureuse d’avoir des toilettes privatives et un dimanche au bord de l’eau. Romain Icard montre les anonymes, leurs sourires, leur vie quotidienne.

Héros anonymes de la France de l’entre-deux-guerres, et des deux documentaires consacrés à 1919-1939 diffusés par France 2, le 12 octobre à partir de 21 heures. / FRANCE 2

A l’école, 1,5 % des élèves d’une classe d’âge ont le baccalauréat, détaille le commentaire, contre 78,8 % en 2018. Et les filles ont le droit de se présenter uniquement en candidates libres. « Ni bourgeoises ni prolétaires, femmes d’abord », les suffragettes de Marthe Bray fument, sortent et s’amusent grâce à l’apparition des loisirs de masse, comme le ­cinéma parlant. Les hommes ne pourront plus les contraindre à rentrer au foyer.

Bouc émissaire

Le second volet, qui s’ouvre avec la crise de 1929, est ponctué de scènes qui agissent comme des flashs. Ainsi des petits commerces, qui ferment un à un « et les ­appels à consommer français n’y changent rien », et du « chômage de masse » qui fait son apparition.

Hier comme aujourd’hui, toute crise a besoin d’un bouc émissaire – l’étranger –, et d’un tribun. Ce sera le colonel François de La ­Rocque, inventeur du slogan « Travail, famille, patrie ». Et comment ne pas penser à un samedi de janvier 2019 lorsque l’on voit les forces de l’ordre ranger préventivement les grilles des arbres parisiens, à la veille de manifestations d’extrême droite en 1934 ?

Lire la critique de « 1918-1939 : les rêves brisés de l’entre-deux-guerres » : Les utopies fracassées

Les grèves insurrectionnelles, comme celles du 6 juin 1936, sont joyeuses et dansantes. Mais un an plus tard, la statue d’aigle à croix gammée, qui surplombe l’Exposition internationale, douche la bonne humeur et annonce ce que la France refuse de voir jusqu’au 1er septembre 1939, jour où elle ­déclare la guerre à l’Allemagne.

Comme leurs pères vingt ans plus tôt, les fils se retrouvent « sur les mêmes quais » de gare, en partance pour le front. En quoi cela ressemble-t-il à aujourd’hui ? En rien, si ce n’est qu’il s’agit de nos grands-parents, et qu’ils nous ont laissé en héritage la paix.

1919-1929 – La Grande Illusion et 1930-1939 – La Course à l’abîme, réalisés par Romain Icard, racontés par Denis Podalydès, (Fr., 2019, 2 x 52 min) www.france.tv/france-2/