Ismaël Emelien, le « penseur » du macronisme, était aussi en charge de la veille des médias et de la riposte aux informations pouvant menacer le chef de l’Etat – ce qu’on appelle la « com de crise ». Durant la nuit du 18 au 19 juillet, juste après la mise en ligne d’un article du Monde identifiant le « garde du corps » d’Emmanuel Macron molestant, casque de police et brassard au bras, un couple de jeunes gens, le 1er-Mai, le conseiller spécial du président est sur le pont. Avec un autre conseiller qu’il a lui-même entraîné dans l’aventure macronienne : Ludovic Chaker, dont le nom n’apparaît pas dans l’organigramme public du palais et dont certains diplomates et militaires de l’Elysée rêvent aujourd’hui de se débarrasser, il est même l’un des principaux interlocuteurs d’Alexandre Benalla.

Cette nuit de juillet, de zélés fonctionnaires de la Préfecture de police de Paris repèrent dans la vidéosurveillance du 1er-Mai des images susceptibles d’aider Benalla : on y voit le couple, peu avant son interpellation musclée, lancer des bouteilles sur les forces de l’ordre. De quoi rééquilibrer le récit des faits et contrebalancer la vidéo à l’origine du scandale.

Examen des « fadettes »

En toute illégalité, les images sont extraites des serveurs et gravées sur un CD-ROM. Vers minuit, l’officier de liaison entre la Préfecture de police et l’Elysée vient apporter le boîtier transparent à M. Benalla, qui l’attend au Damas café, à 500 mètres du Château. Tout au long de la soirée, ce policier est aussi pendu au téléphone avec Ludovic Chaker. Or, au beau milieu de la nuit, à 3 h 59, un compte Twitter soutenant LRM, @FrenchPolitic, diffuse la vidéo figurant sur le CD, avant de s’autodétruire.

Soit Benalla est l’auteur de ce Tweet nocturne, soit il a confié le disque à quelqu’un. L’adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron a dit aux juges le 3 octobre être rentré chez lui à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) sans regarder le disque et ne l’avoir remis qu’« à 8 h 30 environ » à M. Emelien, afin d’« assurer [sa] défense » et de « confirmer que [les deux jeunes gens] n’étaient pas des gentils mangeurs de crêpes mais des casseurs ». A-t-il remis ce CD « à la demande de M. Emelien », lui demandent les juges ? Alexandre Benalla a refusé de répondre.

L’examen des « fadettes » (relevés téléphoniques) de M. Benalla révèle que, cette nuit-là, le conseiller spécial du président échange des textos avec M. Benalla jusqu’à 2 h 28, puis à nouveau aux aurores, peu après 5 heures. Les enquêteurs notent aussi qu’au cœur de la nuit, un seul téléphone parmi les nombreux correspondants d’Alexandre Benalla « borne » entre le Damas café et l’Elysée : celui d’Ismaël Emelien.

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