Un étal proposant des drapeaux libyens à Tripoli, le 9 février 2019, à l’approche du huitième anniversaire de la révolution qui a renversé Mouammar Kadhafi. / MAHMUD TURKIA / AFP

Encouragée par sa récente médiation en Centrafrique, l’Union africaine (UA) s’est affirmée dans le dossier libyen, lundi 11 février, appelant à la tenue d’une conférence en juillet pour réunir les acteurs de cette crise et réclamant des élections présidentielle et législatives en octobre.

L’assemblée de l’UA demande au président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, d’œuvrer « dans le but de convoquer à Addis-Abeba, en [juillet] 2019, une conférence internationale sur la réconciliation en Libye, sous les auspices de l’UA et de l’ONU », a indiqué l’organisation panafricaine dans un communiqué résumant les décisions prises lors du sommet organisé dans la capitale éthiopienne, dimanche et lundi.

L’assemblée a également demandé à la Commission de l’UA de prendre « toutes les mesures nécessaires », avec l’ONU et le gouvernement libyen, « pour l’organisation d’élections présidentielle et législatives en octobre 2019 ».

« Solutions africaines »

« L’Afrique a décidé d’appuyer la Libye dans ses efforts pour sortir de la guerre et du terrorisme », a déclaré à la presse le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui a pris dimanche la tête de l’UA pour un mandat d’un an, succédant au chef de l’Etat rwandais, Paul Kagame.

Enhardie par les résultats de sa médiation en Centrafrique, qui a mené à la signature, mercredi, d’un accord de paix à Bangui, l’organisation entend ainsi prendre la main dans un dossier où les initiatives sont surtout venues de l’ONU ou d’acteurs extérieurs au continent. Abdel Fattah Al-Sissi a notamment insisté sur l’importance de trouver « des solutions africaines à des problèmes africains ».

Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos. Le pays est aujourd’hui profondément divisé avec, d’un côté, le gouvernement d’union nationale installé à Tripoli (nord-ouest), internationalement reconnu, et, de l’autre, un cabinet parallèle appuyé par l’autoproclamée Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar, qui règne sur le nord-est du territoire et désormais sur une grande partie du sud.

Un diplomate africain a indiqué à l’AFP que les chefs d’Etat du continent voyaient d’un très mauvais œil ce qu’ils considèrent comme des « interférences de pays extérieurs à l’Afrique » lors des dernières conférences ayant rassemblé les acteurs du dossier.

Les efforts de paix ont, de fait, été minés dernièrement non seulement par les tensions entre factions libyennes, mais aussi par les divisions entre les différents Etats qui s’intéressent de près au pays. Ainsi, après un sommet libyen à Paris en mai 2018, l’Italie avait reproché à la France de vouloir faire cavalier seul dans ce dossier. En novembre, à Palerme, la Turquie, se disant « profondément déçue » d’avoir été tenue à l’écart d’une réunion, avait claqué la porte d’une conférence sur le sujet.

Trafic d’êtres humains

La résolution des crises qui traversent l’Afrique et la reconstruction post-conflit figurent parmi les priorités d’Abdel Fattah Al-Sissi pour son année d’exercice de la présidence tournante de l’UA. Ce dernier a d’ailleurs annoncé l’organisation courant 2019 d’un « forum pour la paix et le développement » à Assouan, dans le sud de l’Egypte.

A Addis-Abeba, M. Sissi a également insisté sur la lutte contre « le terrorisme », appelant à viser ses « racines », et a promis de s’atteler à « la crise des migrants, des déplacés et des réfugiés », qui était le thème de ce sommet de l’UA. L’assemblée de l’organisation a, à cet égard, entériné la création à Khartoum d’un centre opérationnel continental visant à combattre les « migrations irrégulières », avec un accent placé notamment sur le trafic d’êtres humains.

Poids lourd régional en quête d’influence en Afrique, l’Egypte s’est par ailleurs engagée à poursuivre certains efforts déployés par Paul Kagame, à commencer par l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale (Zlec), un projet clé de l’UA.

Mais en matière de réformes institutionnelles, le départ du président rwandais, qui portait ce processus depuis 2016, pourrait se faire particulièrement sentir, bien que Le Caire ait assuré être engagé en ce sens. Le projet d’instauration d’une taxe de 0,2 % sur les importations, destinée à assurer l’indépendance financière de l’organisation – dont plus de 54 % du budget 2019 proviendra de donateurs étrangers – pourrait ainsi ne pas surmonter les réticences de certains Etats… dont l’Egypte.

En 2020, la présidence tournante de l’UA reviendra à un autre poids lourd du continent, l’Afrique du Sud.