L’opposant Juan Guaido a annoncé, mardi 12 février, que l’aide d’urgence américaine entrerait le 23 février au Venezuela malgré le refus du président Nicolas Maduro, qui la considère comme une première étape avant une intervention militaire. « Le 23 février, ce sera le jour où l’aide humanitaire entrera au Venezuela », a lancé Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, devant une foule de partisans rassemblés dans un quartier de l’est de Caracas, la capitale.

« L’aide humanitaire va entrer au Venezuela, c’est sûr ! Car l’usurpateur n’aura pas d’autre choix que de quitter le Venezuela. Ce n’est pas la première fois que le Venezuela va devoir se libérer d’un tyran, espérons que ce soit la dernière », a poursuivi le président du Parlement, contrôlé par l’opposition. Il a demandé aux quelque deux cent cinquante mille volontaires inscrits pour participer à l’acheminement de l’aide stockée à la frontière colombienne de se tenir prêts pour « former des caravanes ». Le 23 février, cela fera un mois exactement que Juan Guaido s’est autoproclamé président par intérim.

Aux cris de « Liberté ! », « Guaido ! », des dizaines de milliers de manifestants, brandissant des drapeaux vénézuéliens, se sont rassemblés à la mi-journée dans tout le pays pour accroître la pression sur l’armée, soutien déterminant du gouvernement, afin qu’elle laisse entrer cette assistance. « Nous demandons aux autorités militaires qu’elles permettent le passage de l’aide, et même qu’elles la protègent pour qu’elle arrive là où elle est le plus nécessaire », a expliqué Juan Perez, 68 ans, lors du rassemblement qui rendait aussi hommage à la quarantaine de personnes tuées depuis le début des mouvements de protestation contre le président Maduro, le 21 janvier.

Bras de fer politique

En réponse à cette troisième journée de mobilisation de l’opposition, après celles du 23 janvier et du 2 février, des soutiens du gouvernement se sont réunis sur la place Bolivar, dans le centre de Caracas, contre « l’intervention impérialiste » américaine.

Le bras de fer politique entre les deux hommes se concentre depuis plusieurs jours sur l’entrée de plusieurs tonnes de nourriture et de médicaments venant des Etats-Unis, déjà stockés dans des entrepôts en Colombie à la frontière avec le Venezuela. Mais des militaires vénézuéliens bloquent le pont Tienditas, qui relie Cucuta (Colombie) et Ureña (Venezuela), dans l’Etat frontalier de Tachira, où l’armée a renforcé sa présence.

Cette crise intervient en pleine débâcle économique du pays, accablé de pénuries de vivres et de médicaments. Plus de 2,3 millions de Vénézuéliens (7 % de la population) ont fui le pays depuis 2015, selon l’Organisation des Nations unies (ONU). Cherchant à briser l’unité de l’armée, Juan Guaido a offert l’amnistie aux militaires qui désavoueraient le chef de l’Etat et les a prévenus que bloquer l’aide constituerait un « crime contre l’humanité ».

« Ceci est un ordre adressé aux forces armées : laissez entrer l’aide humanitaire une fois pour toutes, halte à la répression », a déclaré M. Guaido, qui a annoncé que le deuxième centre de stockage d’aide, dans le nord du Brésil, serait opérationnel mardi. « Les militaires doivent se ranger du côté du peuple », a estimé Brian Malavé, un manifestant de 17 ans. « Plus aucun mort par manque de médicaments », proclamait une pancarte.

Nicolas Maduro dément toute « urgence humanitaire »

Une conférence sur l’aide humanitaire sollicitée par Juan Guaido doit aussi se tenir jeudi au siège de l’Organisation des Etats américains (OEA), à Washington. Il y interviendra par visioconférence. Nicolas Maduro, qui dément l’existence d’une « urgence humanitaire », rejette la responsabilité des pénuries sur les sanctions américaines et une « guerre économique » menée par la droite. « Le Venezuela n’est pas un pays où règne la famine », a-t-il assuré dans un entretien à la BBC diffusé mardi.

Parallèlement, des manœuvres militaires sont en cours pour faire face à une éventuelle intervention des Etats-Unis, une option régulièrement mise sur la table par les responsables américains. Alors que Juan Guaido peut compter sur l’appui des Etats-Unis et d’une grande majorité des pays d’Amérique latine et d’Europe, Nicolas Maduro a reçu le soutien de ses alliés russe, turc, iranien et chinois.

« Le Venezuela est dans l’œil du cyclone géopolitique du monde », a déclaré lundi M. Maduro, qui accuse les Etats-Unis de vouloir le renverser pour s’accaparer les plus grandes réserves pétrolières du monde. Le dirigeant socialiste a aussi réclamé le retour de 80 tonnes de réserves d’or de son pays déposées au Royaume-Uni, alors que le Venezuela connaît de graves problèmes de liquidités.

Au même moment, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a laissé entendre qu’il souhaitait développer le commerce de l’or avec le pays sud-américain, malgré des mises en garde des Etats-Unis, qui scrutent avec attention les échanges commerciaux avec Caracas.

Venezuela : pourquoi Donald Trump souhaite-t-il tant le départ de Nicolas Maduro ?
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