L’aéroport Schiphol d’Amsterdam, en août 2018. / Piroschka Van De Wouw / REUTERS

L’annonce, venant de Néerlandais d’ordinaire peu allants en matière fiscale, a surpris. Mardi 12 février, le secrétaire d’Etat aux finances, Menno Snel, a exposé à ses collègues ministres européens réunis à Bruxelles un projet de taxe européenne sur les rejets de CO2 des avions.

Mettant en avant l’urgence d’une réponse commune face au changement climatique, M. Snel a suggéré que la future taxe porte sur le kérosène consommé par les appareils ou les billets d’avion eux-mêmes. Sa proposition est restée à l’état d’ébauche. Il a dit vouloir compter sur la réunion des ministres des finances, fin avril, pour entrer dans les détails.

L’aviation bénéficie d’une exception souvent critiquée, alors que le transport aérien est l’un des modes de déplacement les plus polluants

L’idée d’une taxe européenne sur l’aviation est récurrente, le secteur bénéficiant d’une exception souvent critiquée, alors que le transport aérien est l’un des modes de déplacement les plus polluants au kilomètre parcouru. La convention de Chicago de 1944 empêche la taxation du kérosène des vols internationaux (le carburant dans les réservoirs à l’arrivée dans un pays ne peut pas être taxé).

Si elle peut être contournée par des accords bilatéraux, elle a découragé nombre d’initia­tives ou servi d’alibi à bien des opposants. En outre, le lobby des compagnies aériennes s’est révélé jusqu’ici très efficace. De ce fait, les Européens sont partis en ordre dispersé. Une poignée seulement d’entre eux s’est ­dotée d’une taxe nationale sur les billets. Ainsi de la France, avec la « taxe Chirac », de la Suède ou de l’Allemagne.

La France ouverte à l’idée

L’initiative néerlandaise a reçu un accueil poli. Les ministres belge et suédois l’ont soutenue. Le Français Bruno Le Maire se serait aussi montré ouvert à l’idée. La démarche a tout même provoqué quelques haussements de sourcils. Et pour cause : elle est intervenue le jour où les ministres des finances s’exprimaient pour la première fois sur une proposition de la Commission d’en finir avec la règle de l’unanimité en matière fiscale. Les Pays-Bas, comme la plupart des Etats membres – hormis la France et l’Allemagne – s’y sont opposés. Or cette règle, qui prévaut depuis des décennies, est paralysante et a presque eu raison de la taxe numérique européenne défendue par Paris.

Que souhaitent réellement les Néerlandais ? Ils semblent surtout miser sur leur propre projet de taxe nationale, avec une entrée en vigueur prévue en 2021. Les centristes proeuropéens de D66 avaient exigé que la taxe figure dans le programme de la coalition, ce qui n’avait guère suscité l’enthousiasme du parti libéral (VVD) de Mark Rutte, le premier ministre.

En décembre, le gouvernement a confirmé son projet, avec une taxe prévue de 7 euros par billet, et une autre sur les avions-cargos. La mesure devrait, selon les estimations, représenter 200 millions d’euros pour le Trésor. Critiqué par les compagnies aériennes, le ­projet est aussi jugé peu convaincant par les associations de défense de l’environnement, lesquelles jugent que l’objectif fixé est plus budgétaire qu’écologique.

Fin 2018, l’exécutif misait sur une taxe au ­niveau européen, peut-être couplée à une taxation des appareils les plus anciens – les plus bruyants et les plus polluants. Toutefois, la Commission a rechigné à soutenir le projet, à l’approche des élections européennes du 26 mai.