Le ministre italien du travail, Luigi Di Maio (à gauche), et son collègue de l’intérieur, Matteo Salvini, à Rome, en juin 2018. / ALBERTO PIZZOLI / AFP

Le gouvernement transalpin voudrait provoquer davantage d’inquiétude – alors que se multiplient les mauvaises nouvelles – qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Depuis quelques jours, plusieurs de ses membres s’attaquent à la direction de la Banque d’Italie, semblant remettre en cause l’un des principes cardinaux de l’union monétaire européenne, à savoir l’indépendance des banques centrales.

L’offensive a commencé, samedi 9 février, à Vicence (Vénétie), où étaient réunis 1 200 anciens actionnaires de deux « petites » banques locales – Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza –, absorbées pour un euro symbolique par Intesa Sanpaolo à l’été 2017, après un coûteux plan de sauvetage survenu au sortir d’années de gestion calamiteuse.

Devant un aréopage de petits porteurs attendant avec impatience une indemnisation promise depuis des mois par le gouvernement, au mépris des règles européennes, les deux vice-premiers ministres, Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles, « antisystème ») et Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), ont rivalisé de déclarations offensives contre les autorités de tutelle, coupables, ­selon eux, de ne pas avoir détecté les irrégularités et les signes avant-coureurs de la catastrophe.

Luigi Di Maio, qui prenait la parole en premier, a affirmé sa ­volonté qu’il y ait une « discontinuité » au sommet de l’institution. Selon lui, « on ne peut pas confirmer les mêmes personnes qui ont été au directoire de la Banque d’Italie, si l’on pense à tout ce qui s’est passé ces dernières années. (…) Nous sommes un Etat souverain qui défend l’épargne, comme le dit la Constitution, et pas les banques. »

Surenchère

De son côté, Matteo Salvini, qui s’exprimait devant un auditoire acquis d’avance (la Vénétie est l’un des bastions historiques de la Ligue), ne pouvait pas dire moins. Il a même joué la surenchère, assurant chacun de son intention de « réduire à néant » l’actuelle direction de la banque centrale italienne, ainsi que celle de la ­Consob (l’autorité de surveillance des opérations boursières).

Les jours suivants, dans la foulée d’une proposition de loi du député Claudio Borghi (Ligue) visant à réaffirmer que le stock d’or dont dispose la Banque d’Italie était bien la propriété de l’Etat, plusieurs parlementaires ont évoqué l’hypothèse d’en vendre une partie pour ne pas avoir à enclencher la clause de sauvegarde (augmentation automatique de la TVA), à laquelle s’est engagé le pays en cas de dégradation de ses comptes publics.

Cette disposition, adoptée pour rassurer Bruxelles et les marchés, pourrait en effet se révéler politiquement suicidaire pour les deux composantes de la coalition. Pour y échapper, le gouvernement de Giuseppe Conte doit en théorie trouver une trentaine de milliards d’euros de recettes nouvelles dans les prochains mois. Une gageure, alors que l’économie est entrée en récession et que rien de laisse augurer une amélioration de la conjoncture.

Mardi 12 février, lors d’une conférence de presse, Matteo Salvini a démenti très mollement l’hypothèse de vendre une partie de l’or de la Banque d’Italie, en déclarant qu’il ne l’« avait pas étudiée ». Il a préféré insister sur l’idée que cet or « [était] bien celui des Italiens ». Pour sa part, l’ancien ministre de l’économie (de 2014 à 2018) Pier Carlo Padoan a mis en garde contre une telle tentation, soulignant que la vente d’une partie du stock d’or italien assurerait au pays « d’avoir la réputation de l’Argentine », avant de le mener tout droit au défaut de paiement.