Alain Juppé le 14 février à Bordeaux. / GEORGES GOBET / AFP

C’est sous un tonnerre d’applaudissements et devant une salle comble qu’Alain Juppé a fait son entrée, jeudi 14 février, dans le salon Rohan de l’hôtel de ville de Bordeaux. Depuis le début de la matinée, la presse se massait devant les portes de la mairie, en attendant la première prise de parole du maire, après l’annonce de son départ pour le Conseil constitutionnel. L’ancien premier ministre, d’habitude pudique, a planté le décor dès ses premiers mots. « Quitter cet hôtel de ville est pour moi évidemment un crève-cœur », a-t-il déclaré.

L’ancien candidat à la primaire de la droite a poursuivi en remerciant le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, pour sa nomination. Il entrera en fonctions début mars, après son audition la semaine prochaine par la commission des lois de l’Assemblée nationale, puis sa prestation de serment.

« Environnement plus serein »

C’est donc dès les premiers jours de mars qu’Alain Juppé quittera son fauteuil de maire, mais aussi de président de la métropole. Si son entourage s’est avéré surpris de cette soudaine décision, M. Juppé a affirmé lui-même avoir dû prendre « une décision en vingt-quatre heures », selon ses mots.

Il a ensuite explicité les raisons de ce choix radical pour le futur ex-maire de Bordeaux. « Depuis plusieurs semaines, j’ai, en moi-même, pris la décision de ne pas me représenter en mars 2020 à l’élection municipale. J’avais prévu d’annoncer cette décision après les élections européennes », a-t-il affirmé.

Son envie de ne pas faire « deux mandats de trop » et le « besoin de renouvellement qui monte ici et là » semblent avoir guidé son choix. Celui qui n’a jamais cessé de montrer son attachement à la métropole a fait part de sa fierté du travail accompli depuis près de vingt-cinq ans. Mais, « le temps est venu de nouveaux visages, de nouvelles équipes », ajoute-t-il. Puis le maire invoque une seconde raison, plus personnelle et moins attendue. Ses mots pour la vie politique et son « combat » sont clairs et acerbes. « J’ai aimé faire ce combat, et je l’ai fait pendant plus de quarante ans, toujours avec passion. Aujourd’hui, l’envie me quitte, tant le contexte change. »

Dans la suite de sa prise de parole, l’ancien premier ministre a fustigé « l’esprit public devenu délétère », et la violence verbale et physique qui discréditent « des hommes et des femmes politiques ». Derrière ce discours pointent de la lassitude mais aussi l’envie de « continuer à servir notre pays et notre République, dans un environnement de travail plus serein ». Une chance qui lui est offerte par le Conseil constitutionnel, dont il mesure l’honneur de pouvoir y siéger.

C’est d’une voix brisée qu’Alain Juppé a terminé sa conférence de presse. Pris par l’émotion, celui qui donne souvent l’image d’un homme politique dur et froid, comme il l’avoue, a même été contraint de faire une pause dans son allocution. « Avec Bordeaux et son peuple, nous sommes en quelque sorte un vieux couple. C’est un arrachement de me séparer de qui j’ai tant aimé, à qui j’ai tant donné », a-t-il conclu.