Arte, jeudi 14 février à 20 h 55, mini-série

Réunis pour passer leurs vacances sur un voilier au nord de l’Australie, en mer de Timor, Ryan et sa femme, Bree, la sœur de Ryan, ­Olivia, et son compagnon Damien, ainsi que leur amie ­commune Helen, tous australiens, repèrent une embarcation à la ­dérive, peuplée de réfugiés de la cale au pont, moteur et radio hors d’usage. Située en 2013, cette scène d’ouverture de Safe Harbour (le ­titre original, qui signifie « A bon port ») se voit immédiatement suivie d’un aperçu des conséquences de cette bouleversante découverte en mer, cinq ans plus tard – un va-et-vient de 2013 à 2018 qui structure la série, de manière particulièrement fluide et efficace.

Se pose à chacun, sur le voilier, la question de savoir s’il vaut mieux secourir immédiatement ces réfugiés ou partir chercher de l’aide à terre. Leur porter assistance sur l’heure supposerait d’amasser les exilés sur un voilier bien trop petit pour cela, ou, sinon, de procéder à un remorquage qui risque de disloquer les deux bateaux d’un coup. Mais s’éloigner à la recherche de secours – et éviter, ainsi, de  se mettre soi-même en danger – reviendrait probablement à ne ­retrouver au retour qu’une épave sans âme qui vive.

Un groupe de migrants à bord d'un bateau menaçant de sombrer, scène tirée de la série « Sauvetage en mer de Timor ». / VINCE VALITUTTI

Ce dilemme, source de dissension entre les cinq amis et d’au­toquestionnement pour le spectateur – « Que ferais-je, dans une telle situation, ayant des enfants que je ne veux pas laisser orphelins ? » –, ne constitue pour autant pas l’acmé de la série. Très vite, avec le retour au présent, en 2018, une nouvelle ligne de tension se fait jour, terriblement intrigante. ­Celui qui pilotait le voilier, Ryan Gallagher, reconnaît dans un chauffeur de taxi Ismail, l’un des réfugiés auquel il avait prêté ­assistance cinq ans plus tôt.

Très excité à l’idée de ces retrouvailles, il réunit au cours d’un ­barbecue l’équipage de l’époque et la famille d’Ismail… pour découvrir qu’il vient d’entrer dans une forme de thriller. Le sauvetage auquel Ryan veut croire ne s’est pas déroulé comme imaginé, Ismail et sa famille ne sont pas ­arrivés sains et saufs en Australie, et le fait que Ryan ait hélé le taxi d’Ismail quelques jours plus tôt n’a sans doute rien d’un hasard…

La loi et la morale

Très habilement construit, élégamment monté, ce suspense concentre l’attention sur les ­interrogations des Australiens autant que sur le drame humain, le sentiment d’injustice et la philosophie de la famille irakienne d’Ismail. Sans s’appesantir sur le sujet, il rend palpable l’abîme qui peut séparer ce qui s’avère d’ordre légal de ce qui relève de la morale, celle-ci n’en étant pas moins soumise à la culture dont elle émane.

Exempt de point de vue manichéen ou moralisateur, Sauvetage en mer de Timor ne juge pas les raisons des uns et des autres, ne cherche pas à déterminer leurs torts. Le point focal se concentre plutôt sur la manière dont des personnages, confrontés aux ­mêmes événements dramatiques, parviennent ou non à préserver leur équilibre.

Parmi les prix reçus au nom de cette série, il faut mentionner celui de meilleur réalisateur que l’Australian Academy of Cinema and Television Arts a remis en 2018 à Glendyn Ivin – qui ­remporta la Palme d’or du court-métrage en 2003 pour Cracker Bag, et fut lauréat d’autres prix pour son premier long-métrage, Last Ride, en 2009.

Sauvetage en mer de Timor, série créée par Belinda Chayko, Matt Cameron and Phil Enchelmaier. Avec Ewen Leslie, Leeanna Walsman, Hazem Shammas, Nicole Chamoun, Phoebe Tonkin, Joel Jackson (Australie, 2017, 4 × 52 min). www.arte.tv/fr