Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol, lors d’une conférence de presse après un conseil des ministres extraordinaire à Madrid, le 15 février 2019. / JUAN MEDINA / REUTERS

Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a annoncé, vendredi 15 février, des élections législatives anticipées pour le 28 avril, les troisièmes en moins de quatre ans, après le rejet de son budget sur fond de crise persistante en Catalogne. « J’ai proposé la dissolution du Parlement et la convocation d’élections législatives pour le 28 avril », a déclaré, devant la presse, le dirigeant socialiste, en poste depuis à peine huit mois.

A la tête du gouvernement le plus minoritaire de l’histoire espagnole, Sanchez n’aura donc pas réussi à maintenir la fragile majorité formée par les socialistes, la gauche radicale, les indépendantistes catalans et les nationalistes basques, qui lui avait permis de renverser le 1er juin son prédécesseur conservateur, Mariano Rajoy.

Les séparatistes catalans, qui avaient soutenu la motion de censure l’ayant porté au pouvoir, ont, en effet, rejeté, mercredi au Parlement, avec la droite, son projet de loi de finances au lendemain de l’ouverture à Madrid du procès de la tentative de sécession de la Catalogne de 2017. Le dialogue entre gouvernement et indépendantistes avait été rompu la semaine dernière, ces derniers continuant à réclamer un référendum d’autodétermination, inacceptable pour Madrid.

Devant la presse, le chef du gouvernement a accusé la droite et les séparatistes d’avoir bloqué le « budget le plus social de la décennie dans notre pays » après « sept ans d’injustices sociales et d’austérité ». Le gouvernement avait préparé le terrain depuis mercredi, transmettant à la presse un document vantant le bilan de sa courte action : augmentation de 22 % du salaire minimum, financement de mesures contre les violences faites aux femmes…

Législature « mouvementée »

Selon la chercheuse en sciences politiques, Berta Barbet, Sanchez pense qu’en convoquant des élections rapidement, il pourrait minimiser l’impact d’un possible vote sanction en donnant « peu de temps pour se coordonner » à la droite. Car le socialiste est attaqué frontalement sur la question catalane par le Parti populaire (PP), les libéraux de Ciudadanos et le parti d’extrême droite Vox, qui ont organisé dimanche dernier une grande manifestation pour réclamer des élections. Et « avec le temps, cette menace [de la droite et de l’extrême droite] ne fera qu’empirer », explique Berta Barbet.

Selon plusieurs sondages, le PP, Ciudadanos et Vox seraient en mesure de former une majorité ensemble au niveau national, comme ils l’ont fait en janvier en Andalousie pour chasser les socialistes de leur fief historique.

La convocation d’élections « représente la fin d’une législature atypique, mouvementée », entamée en 2016, assure, pour sa part, à l’Agence France-Presse, Paloma Roman, politologue à l’université Complutense de Madrid. Car en moins de quatre ans, le bipartisme a volé en éclats ; la Catalogne a tenté de faire sécession ; un chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a été renversé pour la première fois en quarante ans par un adversaire, Pedro Sanchez, pourtant battu dans les urnes. Et des élections pourraient ne rien résoudre.

Pour Steven Trypsteen, analyste chez ING Bank, une majorité Ciudadanos-PP-Vox risque d’augmenter « les tensions entre le gouvernement central et la Catalogne ». Et si les voix des nationalistes basques et catalans sont indispensables pour gouverner, c’est un nouveau « blocage politique » qui s’annonce.