Pochette de « Capitalism II », jeu vidéo publié par Ubisoft en 2001. / Ubisoft

« Horaires scandaleux » et « salaires insuffisants »dans une lettre ouverte postée vendredi 15 février sur le site spécialisé Kotaku, Liz Shuler, représentante de la principale fédération syndicale des Etats-Unis, a vivement critiqué les conditions de travail « stressantes et toxiques » auxquelles sont soumis les salariés de l’industrie du jeu vidéo.

Dans un appel inédit, la représentante de l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO – Fédération américaine du travail-Congrès des organisations industrielles), qui compte 12 millions d’adhérents, s’adresse aux salariés de l’industrie du jeu vidéo et les encourage à se syndiquer pour obtenir un « effet de levier » et « négocier une part équitable de la richesse » qu’ils créent.

Pour Liz Shuler, le jeu vidéo est une industrie qui connaît « une croissance à deux chiffres » et génère aux Etats-Unis « 3,6 fois plus d’argent que les salles de cinéma ». Mais elle est « construite par des légions de développeurs infatigables » qui ne reçoivent pas en retour « la dignité et le respect qui [leur] sont dus ».

Et de mentionner le cas du studio Rockstar Games, dont les employés ont « récemment parlé de périodes de dépassement horaire longues de plusieurs mois, voire années, afin de satisfaire les demandes irresponsables de leur direction et sortir un jeu qui a rapporté 725 millions de dollars en trois jours ».

Des initiatives locales existent déjà

Liz Shuler égratigne au passage Bobby Kotick et Andrew Wilson, présidents-directeurs généraux respectivement d’Activision Blizzard et d’Electronic Arts (EA). « On les félicite pour “leur” succès. Ils deviennent riches. Ils deviennent célèbres. On les élève au rang de visionnaires, on les considère comme des pionniers. Et vous, vous avez quoi ? », demande-t-elle aux salariés de l’industrie.

Le patron d’Activision Blizzard en particulier est sous le feu des critiques, à la fois des joueurs et de l’industrie, pour avoir annoncé mardi 12 février la suppression de 800 postes après une année 2018 qui fut pourtant la meilleure de l’histoire du groupe.

Electronic Arts, de son côté, au lendemain d’une année 2018 très décevante, connaît ces jours-ci avec le jeu Apex Legends un succès retentissant, chassant même sur les terres du phénoménal Fortnite Battle Royale. Pourtant, ce n’est pas à Electronic Arts mais à sa filiale, le studio Respawn Entertainment, que l’on doit ce succès surprise : d’après les développeurs d’Apex Legends, la maison mère ne croyait en effet pas au potentiel du jeu. L’action Electronic Arts est pourtant repartie à la hausse, permettant à l’éditeur de récolter des lauriers tressés par ses développeurs.

Liz Shuler salue enfin « le travail préparatoire déjà effectué par des groupes, tels que Game Workers Unite », qui a vu le jour le 19 mars et entend structurer la défense des intérêts des employés du secteur.

En France, le Syndicat des travailleurs du jeu vidéo (STJV), le premier syndicat du genre, a été fondé à l’été 2017. S’il ne fait pas l’unanimité (certains dirigeants s’inquiètent d’un discours qualifié de « paléomarxiste » de ce syndicat encore balbutiant), le STJV, par son rôle de mise en relation, a contribué à la publication de plusieurs enquêtes sur les conditions de travail dans l’industrie ces derniers mois.