Quarante ans après sa première diffusion, le journal du soir de France 3 pourrait bientôt lancer son ultime générique de fin. C’est ce que redoutent les salariés de la chaîne, après l’annonce par la direction de France Télévisions d’un projet de transfert du « Soir 3 » sur la chaîne d’information en continu Franceinfo.

Dans la piste présentée, mardi 19 février, en Comité social et économique central (CSEC) par la direction, la plus haute instance représentative du personnel, un journal réalisé par les équipes des deux chaînes serait diffusé entre 22 h 30 et minuit sur le canal 27, avant d’être retransmis partiellement sur France 3, 30 à 45 minutes plus tard.

Une des raisons ayant motivé ce projet est « le problème de l’horaire fluctuant de Soir 3, qui dépend chaque jour de la durée du programme précédent et qui commence souvent à une heure tardive », explique Yannick Letranchant, le directeur de l’information de France Télévisions. Le journal nocturne est diffusé en moyenne à 23 h 26 en semaine, et environ minuit le week-end. « L’idée est donc de lui donner une visibilité à une heure plus accessible sur Franceinfo », poursuit-il.

Renforcer la grille de Franceinfo

Le numéro deux du service public a beau assurer vouloir « retrouver la patte du Soir 3 » dans cette nouvelle tranche d’information qui pourrait changer de nom, les syndicats y voient « une régression considérable de l’offre pour le public ». « Les JT de France 3 et Franceinfo ont chacun leur style et leur projet éditorial, estime Antoine Chuzeville, délégué syndical SNJ et ancien journaliste du « Soir 3 ». Ils ne traitent pas les mêmes sujets, et quand c’est le cas, ils le font sous des angles différents. »

Avec ce journal sur Franceinfo, l’ambition de la direction est aussi d’attirer un nouveau public sur la chaîne d’information en continu, dont les audiences peinent à décoller. Deux ans et demi après son lancement, le canal 27 plafonne autour de 0,5 % de part d’audience. « On comprend cette volonté de renforcer Franceinfo, mais cela ne doit pas se faire en affaiblissant France 3 », fustige M. Chuzeville. Présenté depuis trois ans par Francis Letellier, « Soir 3 » est regardé par 550 000 téléspectateurs en moyenne cette saison, soit 5,6 % de part d’audience.

« On passerait de deux plateaux, avec leurs cadreurs et leurs techniciens, à un seul »

Si la direction se défend de profiter de ce projet pour réduire ses effectifs, « la seule justification est économique », estime M.Chuzeville. « On passerait de deux plateaux, avec leurs cadreurs et leurs techniciens, à un seul », souligne-t-il. Pour M. Letranchant, l’intention est au contraire « de faire travailler les équipes ensemble et de créer des synergies entre elles ».

Transformation de l’audiovisuel public

Ce n’est pas le seul journal que France 3 pourrait être amenée à partager avec un autre média de l’audiovisuel public. Depuis début janvier, France Bleu et France 3 proposent une matinale commune en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie. Dans le cadre de cette expérimentation, les journaux de la radio sont filmés et diffusés en direct sur la Trois. Après un bilan en juin prochain, ces mutualisations pourraient être étendues à d’autres régions, et, comme cela a été indiqué lors du CSEC du 19 février, des rapprochements immobiliers entre France 3 et France Bleu sont prévus à plus long terme, notamment à Strasbourg, Rennes et Lyon.

En tenant compte du glissement naturel des charges et des investissements dans le numérique, c’est un effort de 350 millions à 400 millions d’euros que va devoir faire le groupe

Voulue par le gouvernement dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public lancée à l’été 2018, cette réorganisation doit permettre de faire face à une réduction budgétaire, en mutualisant les moyens des rédactions. L’audiovisuel public est tenu de réaliser 190 millions d’euros d’économies entre 2018 et 2022, dont 160 millions pour la seule France Télévisions. En tenant compte du glissement naturel des charges et des investissements dans le numérique, c’est un effort de 350 millions à 400 millions d’euros que va devoir faire le groupe présidé par Delphine Ernotte.

Dans ce contexte, cette dernière a annoncé, en décembre 2018, un vaste plan de départs volontaires. Actuellement négocié avec les organisations syndicales, il pourrait aboutir à la suppression nette de 1 000 postes (2 000 départs et 1 000 embauches) pour un effectif total de 9 600 employés à temps plein.

Le projet, présenté mardi, de bascule du « Soir 3 » sur le canal 27 doit encore être étudié dans un groupe de travail commun à France 3 et Franceinfo. Le SNJ de France Télévisions a d’ores et déjà fait savoir qu’il s’opposerait à la disparition du journal du soir de la Trois.