La sonde Beresheet, à Tel Aviv, en décembre 2018, avant son départ pour la Floride, son lieu de lancement. / Ariel Schalit / AP

Une bible nanogravée, la déclaration d’indépendance d’Israël et son hymne national, des écrits de survivants de l’Holocauste, des dessins d’enfants, la prière du voyageur, et une note de Shimon Peres… Voilà ce que la sonde Beresheet doit emporter vers la Lune, en plus de ses instruments scientifiques destinés à en étudier brièvement le magnétisme. L’engin devait décoller, vendredi 22 février à 2 h 45 depuis Cap Canaveral (Floride), à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceX, en même temps qu’un satellite de télécommunications indonésien et un satellite militaire américain.

Si tout se passe comme prévu, Beresheet (« genèse », en hébreu) doit se poser sur la Lune le 11 avril, faisant alors d’Israël le quatrième pays – après l’URSS (Luna 9, 1966), les Etats-Unis (Surveyor 1, 1966) et la Chine (Chang’e 3, 2013) – à avoir « conquis » notre satellite naturel. Ce sera aussi la première mission à avoir été financée essentiellement avec des fonds privés, pour un coût des plus modestes – 100 millions de dollars – au regard des standards spatiaux.

Beresheet est en effet le fruit d’une initiative privée, qui répondait à l’origine à un concours, le Google Lunar XPrize. Lancé en 2007, celui-ci prévoyait de donner 20 millions de dollars au premier groupe envoyant sur la Lune un robot capable d’y parcourir 500 mètres. Après plusieurs reports, la compétition a été annulée en 2018, aucune équipe n’ayant réussi à respecter les délais.

SpaceIL
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Mais SpaceIL, une société à but non lucratif créée en 2011 par trois jeunes ingénieurs israéliens pour concourir au Google Lunar XPrize, a décidé d’aller jusqu’au bout de son projet. Figurant parmi les cinq finalistes, elle a en effet obtenu le soutien financier de philanthropes juifs, dont l’Américain Sheldon Adelson et l’Israélien Morris Kahn, industriel des télécommunications aujourd’hui âgé de 88 ans, qui préside SpaceIL. Ce dernier, raconte la presse israélienne, aurait fait jouer ses relations pour que le récent shutdown du gouvernement américain n’entrave pas la livraison de la sonde au centre spatial de Floride. SpaceIL a aussi obtenu le soutien de l’agence spatiale Israélienne, tandis que Beresheet a été construit par Israel Aerospace Industries, le principal industriel spatial du pays. La mission, privée, revêt de fait un caractère national.

Beresheet est un simple atterrisseur de petite taille, d’une masse de 180 kg hors carburant, qui ne se déplacera pas sur la surface de la Lune. Sa mission scientifique concerne la mesure du magnétisme lunaire, au moment de l’approche, puis au sol. Son espérance de vie est très réduite – environ 48 heures –, ses circuits électroniques n’étant pas prévus pour survivre aux températures extrêmes régnant sur la Lune.

« Effet Apollo »

L’objectif est aussi éducatif, Israël misant sur une réédition de l’« effet Apollo » observé aux Etats-Unis, qui avaient vu une hausse de l’intérêt pour les matières scientifiques des écoliers à l’époque des missions lunaires.

La mission israélienne aura aussi valeur de test pour la conquête spatiale privée. La NASA et d’autres agences spatiales souhaitent en effet encourager les initiatives privées, notamment pour l’exploration lunaire, ce qui serait un gage de baisse des prix. Plusieurs des concurrents pour le défunt Lunar XPrize sont toujours dans les starting-blocks. La revue Nature en a compté cinq, outre SpaceIL, qui entendent bien lancer leurs engins dans les prochaines années, certains dès 2019 : deux américains, un allemand, un indien, un japonais. A cela s’ajoute un autre projet américain sélectionné par la NASA. A côté de ce bouquet de missions privées, les missions étatiques sont aussi reparties, comme le montrent le récent atterrissage de la Chine sur la face cachée de la Lune, la mission indienne Chandrayaan-2, qui devrait être lancée en avril, et le retour de la Chine avec Chang’e 5, qui doit aller récolter des échantillons fin 2019.

Le périple de Beresheet, une fois larguée par la fusée Falcon 9, doit l’amener sur des orbites toujours plus distantes de la Terre, jusqu’à être happé par l’attraction lunaire le 4 avril. Une semaine plus tard, le test ultime interviendra lors de l’atterrissage sur les quatre pattes télescopiques de l’engin, au milieu de Mare Serenitatis, dans l’hémisphère Nord de la Lune, sur sa face visible.

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