Manifestation contre une éventuelle réduction des effectifs au sein de la compagnie publique d’électricité sud-africaine Eskom, à Johannesburg, le 13 février 2019. / WIKUS DE WET / AFP

Le gouvernement sud-africain a annoncé mercredi 20 février un plan de sauvetage de 1,4 milliard d’euros par an pour le géant public de l’électricité Eskom, dont les difficultés menacent l’économie du pays à moins de trois mois des élections. Les agences de notation financière ont menacé la première puissance industrielle du continent africain d’une nouvelle dégradation en cas de faillite du groupe, qui affiche une dette abyssale de 420 milliards de rands (26,5 milliards d’euros).

Symbole de la dégringolade d’Eskom, l’Afrique du Sud a renoué la semaine dernière, pour la première fois depuis cinq ans, avec les délestages massifs. En présentant mercredi son budget 2019-2020 devant le Parlement au Cap (sud), le ministre des finances, Tito Mboweni, a confirmé que son gouvernement allait voler au secours de l’entreprise, qui fournit 90 % de l’électricité du pays. « Nous allons mettre de côté 23 milliards de rands [1,4 milliard d’euros] par an pour aider financièrement Eskom », le temps de sa restructuration, a-t-il annoncé.

Le président Cyril Ramaphosa avait annoncé au début du mois que l’entreprise serait divisée en trois entités distinctes (production, transport et distribution) et promis de ne pas tailler dans ses 50 000 emplois. « Je veux que ce soit clair, le gouvernement ne prendra pas en charge la dette d’Eskom, a-t-il précisé. Verser de l’argent directement dans Eskom dans sa forme actuelle, c’est comme verser de l’eau dans une passoire. »

« Elaguer et dégraisser »

Le ministre s’est également interrogé sur la pertinence de conserver toutes les entreprises publiques, profondément endettées et gangrenées par la corruption pendant les années de la présidence de Jacob Zuma (2009-2018). « Le temps n’est-il pas venu de se poser la question de savoir si nous avons toujours besoin de ces entreprises ? Si oui, pouvons-nous les gérer mieux ? Si on n’en a pas besoin, que devons-nous faire ? », a demandé Tito Mboweni. Sans trancher, il souligne qu’elles « font courir un risque très sérieux » au budget de l’Etat et appelle à « élaguer et dégraisser jusqu’à ce qu’il y ait croissance ».

L’Afrique du Sud se débat depuis la crise financière de 2008 avec une croissance molle, un chômage très élevé (27 %), des inégalités criantes et une dette nette de 142 milliards d’euros (48,6 % du produit intérieur brut). Pour 2019, le ministre des finances a tablé sur une croissance de 1,5 %, alors que le pays sort tout juste d’une récession technique (0,7 % de croissance sur l’année 2018). « L’Afrique du Sud est une petite économie et nous sommes affectés par les résultats de l’économie mondiale. La croissance mondiale devrait baisser, limitant les prévisions de croissance » du pays, a-t-il regretté.

Confronté à une baisse de revenus de 962 millions d’euros en 2018, l’Etat a annoncé une hausse de 7 % du prix des cigarettes et de la bière et de 0,2 euro le litre de carburant. Pour réduire ses dépenses, le gouvernement a aussi décidé d’encourager les départs anticipés des fonctionnaires, sans avancer de chiffre. « Dans un geste de bonne volonté », les parlementaires montreront l’exemple en gelant leur salaire cette année, a annoncé Tito Mboweni.

Un budget purement « cosmétique »

L’opposition a critiqué à boulets rouges un budget « plat » et purement « cosmétique ». « Au lieu de prendre des décisions décisives concernant Eskom, on le renfloue encore », s’est indigné Mmusi Maimane, chef du principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA). Le ministre des finances « n’a aucun projet clair de créations d’emplois », a dénoncé de son côté Julius Malema, chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), jugeant « absurde » l’éventualité de privatiser des entreprises publiques.

Ce scénario devrait cependant rassurer les agences de notation, qui avaient dégradé en 2017 la note de l’Afrique du Sud en la précipitant dans les catégories spéculatives. La Chambre des mines a, elle, salué un budget « réfléchi », notamment sur le volet Eskom. Le plan de sauvetage du groupe « évite les nombreuses complications techniques qui auraient émergé si l’Etat avait pris en charge une grosse partie de la dette d’Eskom, tout en aidant de façon efficace l’entreprise à financer le paiement des intérêts de sa dette », a-t-elle estimé.

Malgré le marasme économique et les scandales de corruption qui éclaboussent le Congrès national africain (ANC) au pouvoir, le parti de feu Nelson Mandela est donné largement favori des élections générales du 8 mai. Le président Ramaphosa, qui tient son mandat des députés, devrait être reconduit dans ses fonctions.