L’UX11 Ag de Delair peut cartographier 150 hectares en un seul vol. / Delair

C’était une évidence : les drones allaient révolutionner l’agriculture. La rendre plus efficace mais aussi plus respectueuse de l’environnement en permettant, par exemple, d’ajuster au plus près les besoins en eau ou en traitements. C’est peu dire qu’il faut déchanter. Les vols de drones au-dessus des champs et des bois sont, pour l’essentiel, restés confidentiels en France et plus largement en Europe, au contraire des Etats-Unis ou du Japon. Les agriculteurs n’ont été ni sensibilisés ni préparés, et une bonne partie des sociétés spécialisées dans les produits phytosanitaires n’ont pas joué le jeu. « Les lobbys n’ont pas encouragé cette mutation. Plus de drones, c’est potentiellement moins de traitements… », constate en privé un fabricant français d’appareils volants sans pilote.

Delair, société toulousaine en plein décollage – elle vient de racheter l’américain Airwaire et a procédé à une levée de fonds avec Intel – a investi dans l’agriculture mais surtout quadrillé le terrain dans le domaine du BTP. Elle veut croire que les drones ont leur place dans les travaux des champs et présentera, lors du Salon de l’agriculture qui ouvrira ses portes samedi 23 février à Paris, un nouvel appareil, répondant à la très bucolique dénomination d’UX11 Ag. Il s’agit d’une aile capable de voler pendant cinquante-cinq minutes, contre une vingtaine pour un multicoptère. De faible envergure (1,1 m) et très légère (1,5 kg), elle se lance à la main et embarque cinq capteurs qui lui permettent de cartographier 150 ha en un seul vol.

Détecter les surfaces menacées par la sécheresse

Pour un coût global d’utilisation que Delair évalue à 70 centimes d’euro l’hectare, l’UX11 Ag (qui remplit sa tâche en vol programmé) met à contribution son capteur multispectral pour mesurer avec précision la concentration en chlorophylle ou la biomasse d’une parcelle. On l’utilise aussi pour compter les plants de maïs, détecter les surfaces menacées par des nuisibles ou la sécheresse. Delair propose en parallèle une nouvelle plate-forme d’intelligence artificielle pour mettre en œuvre une agriculture de précision.

A quel tarif ? La société toulousaine, qui invoque les contraintes imposées par la guerre des prix qui sévit dans le secteur du drone agricole – ce qui n’est pas l’indice d’un marché en expansion – ne fournit aucun chiffre. « Nous ne visons pas les agriculteurs dans leur ensemble. Ce drone s’adresse à une niche de clients aux besoins très particuliers », souligne Lenaïc Grignard, chef de produit chez Delair. Le manufacturier Michelin est déjà client pour superviser ses plantations d’hévéa alors que les services R&D des semenciers sont intéressés par ce drone qui doit leur permettre de suivre et mesurer avec précision la production de leurs nouvelles variétés. Il se dit aussi que les producteurs de produits phytosanitaires sont très preneurs d’un tel outil permettant d’évaluer avec précision les rendements de leurs produits. Preneurs, certes, mais à condition que l’usage de ces drones ne se généralise par trop vite…