Manifestation antigouvernementale à Khartoum, le 7 février 2019. / Stringer / REUTERS

Un haut responsable américain a prévenu mercredi 20 février que l’usage de la « violence excessive » par les forces de sécurité soudanaises pour réprimer les manifestations antigouvernementales était inacceptable et pourrait menacer les discussions pour retirer le Soudan de la liste américaine des « Etats soutenant le terrorisme ». « Il est absolument inacceptable pour les forces de sécurité de faire usage d’une force excessive pour réprimer les manifestants, ainsi que les détentions sans charges, tout comme l’usage de la brutalité et la torture », a affirmé à l’AFP Cyril Sartor, directeur Afrique au Conseil national de sécurité américain, en visite à Khartoum.

En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis deux mois de manifestations quasi quotidiennes déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. La contestation s’est vite transformée en un mouvement réclamant la « chute » du président Omar Al-Bachir. Les services de sécurité emploient la force pour disperser les rassemblements. Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le 19 décembre 2018. L’ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts, dont des enfants et des personnels médicaux.

« Il va sans dire qu’il n’y a pas de raison pour que qui que ce soit soit tué », a aussi jugé mercredi le responsable américain dans ses déclarations à l’AFP. « Le processus de négociation entre les Etats-Unis et le gouvernement du Soudan, qui pourrait éventuellement conduire au retrait de la désignation du Soudan en tant qu’Etat soutenant le terrorisme (…) est actuellement menacé par les développements en cours dans le pays », a-t-il averti.

Des décennies de tensions

M. Sartor a affirmé avoir « été assez clair, assez explicite (…) avec les responsables du gouvernement » soudanais qu’il a rencontrés, disant leur avoir expliqué que « la situation actuelle au Soudan et la réaction excessive des forces de sécurité mettent les négociations en danger ». « Il n’y a pas de confusion possible quant à notre message, quant à la sincérité de cette position tenue par les hauts responsables à Washington, a-t-il précisé, appelant à la libération immédiate des prisonniers politiques. Les maintenir en prison ne fait que freiner le processus du dialogue. » « Nous ne sommes pas arrivés au stade où les négociations sont mises en pause », a-t-il ajouté, précisant néanmoins que le processus pouvait s’arrêter « abruptement ».

Les Etats-Unis ont peu à peu repris leurs relations diplomatiques avec le Soudan après des décennies de tensions. Khartoum avait notamment accueilli Oussama Ben Laden dans les années 1990. Le gouvernement de Donald Trump a décidé en 2017 de lever certaines sanctions imposées au Soudan depuis 1997. Les Etats-Unis ont, en revanche, maintenu le Soudan dans leur liste des Etats soutenant « le terrorisme », et prévenu qu’ils ne l’en ôteraient qu’en cas de nouveaux progrès.

Washington n’a pas pour rôle de trouver une solution à la crise politique au Soudan, a souligné M. Sartor. « En réalité, aucune force extérieure ne peut imposer une solution, a-t-il estimé. Il est impératif que le gouvernement [soudanais] cesse de suivre la stratégie qu’il a suivie jusqu’à présent pour gérer la situation (…). C’est rédhibitoire. Mais nous essayerons de toutes les manières possibles de travailler ensemble. »