Les insulaires chagossiens maifestent devant la cour d’appel de Londre, le 5 février 2007, où ils attendent une décision de justice empêchant les insulaires de retourner vivre chez eux, dans l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien. / CARL DE SOUZA / AFP

C’est une décision qui appuie un combat long de cinquante ans. La Cour internationale de justice (CIJ) a déclaré, lundi 25 février, que le Royaume-Uni devait mettre fin à son administration des Chagos, archipel britannique de l’océan Indien. Diego Garcia, l’île principale de cet archipel des Chagos dont la souveraineté est revendiquée par l’île Maurice, accueille une importante base militaire américain.

Dans un avis consultatif, les juges de l’organe judiciaire principal de l’ONU, qui siège à La Haye, ont estimé que le Royaume-Uni avait « illicitement » séparé l’archipel des Chagos de l’île Maurice après son indépendance en 1968. L’avis de la CIJ n’est pas contraignant mais revêt un caractère hautement symbolique et constitue un coup dur diplomatique pour le Royaume-Uni.

« Le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin a son administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettra à l’île Maurice d’achever la décolonisation de son territoire », a déclaré le juge président de la CIJ, Abdulqawi Ahmed Yusuf. L’assemblée générale de l’ONU avait adopté en 2017 une résolution présentée par l’île Maurice et soutenue par les pays africains réclamant que la CIJ donne son opinion sur l’avenir des îles Chagos.

Exil

Les Chagos se trouvent au cœur d’un litige vieux de cinq décennies, depuis la décision britannique, en 1965, de séparer cet archipel de l’île Maurice et d’y installer une base militaire commune avec les Etats-Unis. « La Cour considère que ce détachement n’a pas été fondé sur l’expression libre et authentique de la volonté du peuple concerné », a expliqué M. Yussuf.

Le Royaume-Uni avait expulsé environ 2 000 Chagossiens vers l’île Maurice et les Seychelles pour faire place à cette base, qui a depuis joué un rôle-clé dans les opérations militaires américaines. Estimant que Londres « avait illégalement démembré » son territoire, Maurice a depuis engagé une série de procédures judiciaires, dont la première a été introduite en 1975, afin d’obtenir le retour des îles Chagos dans son giron.

La CIJ estime que le processus de décolonisation de Maurice « n’a pas été validement mené à bien au moment de l’accession de l’indépendance de l’île en 1968 », a déclaré le juge président.

« Regrets » de Londres

Lors d’audiences tenues à La Haye en septembre, Londres avait exprimé ses « regrets » pour la « manière honteuse » dont les habitants des Chagos avaient été traités en 1965, tout en estimant que la Cour n’était pas l’endroit adéquat pour régler son différend avec l’île Maurice.

La CIJ a « le devoir de refuser » de prendre position sur le sort réservé à l’archipel des Chagos, avaient abondé les Etats-Unis. Les représentants mauriciens avaient quant à eux argué que « le processus de décolonisation de l’île Maurice restait incomplet », plus de cinquante ans après son indépendance, obtenue en 1968.

Historiquement, l’archipel des Chagos « appartient clairement au territoire mauricien », avaient-ils argumenté devant les juges, recevant notamment le soutien de l’Inde.

Dans cette affaire, « il n’existe aucune raison décisive devant conduire la Cour a refuser de donner son avis », a rétorqué lundi le juge président de la CIJ. Créée en 1946 pour régler les différends entre Etats membres, la CIJ donne généralement des avis consultatifs à des organes de l’ONU tels que l’assemblée générale.

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