Les travaux de construction de la base américaine – contestée par les habitants d’Okinawa mais voulue par le gouvernement japonais – dans le hameau d’Henoko, à Nago, le 23 février 2019. / KYODO / REUTERS

Okinawa inflige un nouveau camouflet au premier ministre, Shinzo Abe. Les habitants du petit archipel du sud du Japon ont profité d’un référendum organisé dimanche 24 février pour exprimer, encore une fois, leur rejet de la construction d’une base américaine sur la côte du hameau de Henoko, dans la ville de Nago (nord-est de l’île principale d’Okinawa), pour accueillir les activités d’une autre base américaine, Futenma, aujourd’hui sise au cœur de la ville de Ginowan (sud de l’île principale d’Okinawa).

Selon les résultats définitifs, 72,1 % des votants se sont déclarés contre ce projet. 19,1 % l’ont approuvé et 8,8 % ne se sont pas prononcés. Le taux de participation a atteint 52,48 %. Il s’agit du troisième vote en ce sens depuis 2014. « Ce résultat est d’une grande importance et il est désormais essentiel que le gouvernement révise sa politique », a réagi le gouverneur d’Okinawa, Denny Tamaki, qui est à l’origine du référendum. M. Tamaki a rappelé qu’il était ouvert au dialogue.

Le premier ministre, Shinzo Abe, a annoncé que son gouvernement prenait ce scrutin « au sérieux » et qu’il ferait tout « pour obtenir la compréhension d’Okinawa pour ces travaux ». Le vote est non contraignant. Il prévoit juste que le gouverneur « respecte » le choix des 1,15 million de votants dès lors qu’il a été exprimé par plus d’un quart d’entre eux, ce qui est le cas. Il doit transmette les résultats au premier ministre, Shinzo Abe, et au président américain, Donald Trump.

Même si un sondage réalisé dans la semaine précédent le vote par le quotidien de centre gauche Asahi révélait que 80 % des personnes interrogées souhaitaient que Tokyo respecte le résultat, M. Abe a annoncé le 19 février qu’il n’y aurait « aucun changement » dans la politique du gouvernement. Les travaux de remblaiement ont commencé en décembre malgré les critiques de la présence militaire américaine et des atteintes à un environnement marin unique.

Obstination de Tokyo

Le message clair des Okinawaïens montre que l’opposition entre le gouvernement et Okinawa devrait se poursuivre. L’affaire pourrait même se compliquer car le ministère de la défense a reconnu le 21 février que les plans des travaux devaient être revus, une partie des fonds marins étant apparus plus meubles que prévu. Une telle modification nécessite l’accord des autorités d’Okinawa, qui ne devraient pas le donner. Les débats pourraient aussi porter sur le coût du projet, estimé à 1,9 milliard d’euros par le gouvernement et 20,3 milliards d’euros par le département d’Okinawa.

Le mécontentement des Okinawaïens découle de l’obstination de Tokyo, apparentée à une forme de mépris pour un archipel qui abrite 70 % de l’ensemble des bases américaines du Japon alors qu’il ne représente que 0,6 % du territoire nippon.

Pour Tokyo, un transfert des activités de Futenma vers l’île principale du Honshu reste inimaginable en raison de l’opposition qu’il susciterait. Et Okinawa est stratégique face à la montée en puissance de la Chine.

La fermeture de Futenma avait été décidée après l’enlèvement et le viol d’une adolescente de 12 ans par trois soldats américains en 1995, qui avaient bouleversé Okinawa. En 1996, Tokyo et Washington étaient convenus de fermer Futenma. Au terme de laborieuses négociations, ils ont décidé en 2005 d’en déplacer les activités à Henoko. Les Américains vont aussi transférer près de 8 000 militaires d’Okinawa vers Guam ou encore Hawaï.