C’est une lueur d’espoir dans le sombre tableau du réchauffement climatique. Dix-huit pays industrialisés sont parvenus à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2005-2015, de 2,4 % par an en moyenne, selon une étude publiée dans Nature Climate Change, lundi 25 février. Les auteurs analysent les principaux leviers de cette décarbonation de l’économie : le transfert des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) vers les renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, etc.) et la baisse de la consommation d’énergie. Des efforts qui doivent être maintenus, renforcés et généralisés à tous les pays, préviennent les scientifiques, alors que les rejets carbonés sont en hausse au niveau mondial (+ 2,7 % en 2018).

Les émissions liées aux énergies fossiles sont la principale cause du réchauffement climatique d’origine anthropique. Elles ont augmenté de 2,2 % par an au niveau mondial entre 2005 et 2015, notamment tirées par la rapide industrialisation de la Chine et de l’Inde. Dans le même temps, elles ont décru, après avoir atteint un pic, dans dix-sept pays européens et les Etats-Unis – qui totalisent 28 % des rejets mondiaux. Les plus fortes baisses sont enregistrées au Royaume-Uni, en Suède ou au Danemark. La France se classe dans la moyenne, avec - 2,2 % d’émissions par an entre 2005 et 2015. Un phénomène qui a contribué à ralentir le rythme de la hausse internationale.

C’est la première fois que l’on enregistre une décroissance soutenue des émissions pendant une décennie

« Les émissions avaient déjà baissé à certains moments depuis 1960, sous l’effet de la limitation du charbon, des crises pétrolières, du développement du nucléaire ou des mesures de contrôle de la qualité de l’air, note Corinne Le Quéré, climatologue à l’université d’East Anglia (Royaume-Uni) et première auteure de l’étude. Mais c’est la première fois que l’on enregistre une décroissance soutenue des émissions pendant une décennie. »

Meilleure efficacité énergétique des équipements

Pour la première fois, les scientifiques du Global Carbon Project – un consortium international qui établit chaque année le bilan des émissions mondiales de gaz à effet de serre – ont analysé les causes de cette baisse. En s’appuyant sur les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, ils concluent que la limitation des émissions est due pour 47 % à la diminution de la part des énergies fossiles dans le mix énergétique final et pour 36 % à la baisse de la consommation d’énergie (d’environ 0,5 % par an).

Si les dix-huit pays sont moins gourmands en énergie, c’est d’abord en raison de l’efficacité énergétique de leurs équipements – meilleure isolation des bâtiments ou moindre consommation en pétrole des véhicules –, mais également du fait d’une croissance économique réduite sur la décennie (le PIB a augmenté d’environ 1 % par an), en particulier avec la crise financière de 2008. Corinne Le Quéré fait observer :

« L’efficacité énergétique, si elle est forte, n’a toutefois pas progressé par rapport aux précédentes décennies. Alors que le PIB est reparti à la hausse au niveau mondial depuis 2015, il s’agira de vérifier que la réduction de l’utilisation de l’énergie se maintient sur le long terme. »

A noter que, selon les scientifiques, la délocalisation d’une partie de nos émissions dans les pays en développement – qui produisent les biens et services que nous importons – est restée stable et n’a pas joué pour expliquer la baisse des rejets.

Davantage de politiques climatiques et énergétiques

En revanche, les dix-huit pays se distinguent d’autres Etats, tels que la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie (qui connaissent une hausse de leurs émissions liée à une consommation accrue d’énergie), par la mise en place de davantage de politiques climatiques et énergétiques. Les auteurs de l’étude ont ainsi comptabilisé, en moyenne par pays, 35 politiques favorisant l’efficacité énergétique, 23 les énergies renouvelables et 10 l’atténuation du changement climatique. Corinne Le Quéré explique :

« On a observé une corrélation entre le nombre de politiques mises en place et la baisse à la fois des émissions, de la consommation d’énergie et de la proportion d’énergies fossiles. Mais il faudrait examiner, pays par pays, s’il y a une vraie causalité. »

Surtout, la lueur d’espoir est en train de vaciller. Les émissions de CO2 sont reparties à la hausse depuis 2016 dans une partie des 18 Etats de l’étude. « La diminution des rejets entre 2005 et 2015 n’est pas suffisamment profonde ni rapide pour maintenir le réchauffement en deçà de 2 °C », juge Lucile Dufour, chargée de mission au Réseau Action Climat. Les objectifs de ces Etats pour 2030 sont incompatibles avec l’accord de Paris et mènent la planète vers un réchauffement d’au moins 3 °C, rappelle-t-elle. Sans compter que « les mesures nationales ne sont elles-mêmes souvent pas assez ambitieuses pour atteindre ces objectifs, notamment en France, où les budgets carbone ont été dépassés ces deux dernières années », poursuit Lucile Dufour. La véritable éclaircie ne viendra qu’avec une transformation en profondeur de l’économie.