La sprinteuse bahreïnienne Rakia Al-Gassra aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008. / NICOLAS ASFOURI / AFP

La décision du magasin de sport Decathlon de commercialiser en France un hijab (voile musulman) pour la course à pied a suscité, lundi 25 et mardi 26 février, la colère de plusieurs personnalités politiques, issues des rangs des partis de droites ou de La République en Marche (LRM). Au point que la marque de sport a finalement annoncé, mardi soir sur RTL, sa décision de « ne pas commercialiser à l’heure qu’il est ce produit en France ».

Certains responsables politiques ont dénoncé une atteinte à l’image de la femme et aux valeurs de la France. D’autres ont estimé que le port de ce voile de course était illégal dans les lieux publics, ce second argument relevant d’une interprétation erronée des textes de loi ou d’une méconnaissance du hijab.

Confusions autour du hijab

« La société française est une société qui, dans sa tradition, dans sa manière d’être, dans son identité, refuse qu’on couvre le visage et le corps humain à l’excès », a estimé mardi 26 février le président du MoDem, François Bayrou, sur BFM-TV.

Un argument également brandi par l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage, qui a affirmé sur Twitter, au sujet de ce hijab de course :

« C’est honteux et je rappelle que la loi interdit de se cacher le visage. Decathlon va perdre plus de clients qu’il ne va en gagner. »

Or, si le fait de dissimuler son visage dans l’espace public est interdit depuis la loi du 11 octobre 2010, le hijab, de sport ou de ville, ne couvre ni le visage ni le corps et n’est donc pas visé.

La loi de 2010, dont le texte ne fait pas explicitement référence aux signes religieux, avait été adoptée à la suite d’une précédente polémique sur le voile intégral, ou niqab. Un voile très rarement porté en France, plutôt par les pratiquants d’un islam rigoriste, masquant l’ensemble du visage – à l’exception des yeux.

« Ca ne correspond pas bien aux valeurs de notre pays »

D’autres responsables politiques estiment que le hijab est contraire aux valeurs de la France, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes.

C’est l’argument développé par la porte-parole des Républicains, Lydia Guirous, qui a été la première à condamner l’enseigne dans un Tweet publié lundi soir, estimant que celle-ci « renie […] les valeurs de notre civilisation sur l’autel du marché et du marketing communautaire ».

Une interprétation à laquelle a également souscrit la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, interrogée sur RTL mardi : « Si on souhaite l’égalité femmes-hommes, ce n’est pas pour que les femmes cachent leur visage. Je trouve que ça ne correspond pas bien aux valeurs de notre pays. » Et d’ajouter : « Après, ce n’est pas interdit (…). J’aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile. »

Parmi les rares responsables politiques à faire preuve de mesure sur le sujet, Aurélien Taché, député LRM du Val-d’Oise, a écrit sur Twitter : « La liberté ou l’émancipation ne se décrète pas pour les autres et la laïcité, ce n’est pas l’athéisme d’État. Cette obsession du voile et de l’Islam, niché dans l’inconscient du républicanisme, est une exception française dont on se passerait bien ».

« Proposer un produit sportif adapté, sans jugement »

Decathlon a rapidement réagi sur les réseaux sociaux. « Rassurez-vous, nous ne renions aucune de nos valeurs. Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif », a écrit l’enseigne sur Twitter lundi soir.

« Le fait est que certaines femmes pratiquent la course à pied avec un hijab, souvent peu adapté. Notre objectif est simple : leur proposer un produit sportif adapté, sans jugement », a-t-il ajouté.

La marque, qui a précisé mardi avoir reçu plus de 500 appels et mails, précise que ses équipes ont été « insultées » et « menacées ». Son community manager a d’ailleurs passé sa journée à faire de la pédagogie, comme ici en réponse à un Tweet de Corinne Lepage :

Malgré ces réponses de l’enseigne, l’article, qui devait être commercialisé en France à la mi-mars, ne rejoindra finalement pas aussi rapidement les étalages de ses magasins : « Nous prenons effectivement la décision, en toute responsabilité, en ce mardi soir de ne pas commercialiser à l’heure qu’il est ce produit en France », a annoncé mardi, sur RTL, le directeur de la communication de l’enseigne sportive.

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