Le ministre des affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif, à Téhéran, en 2015. / Vahid Salemi / AP

Cheville ouvrière de l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran, le ministre des affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif a fait savoir dans la soirée du lundi 25 février qu’il présentait sa démission.

« Je m’excuse de ne plus être capable de continuer à mon poste et pour tous mes manquements dans l’exercice de mes fonctions », a-t-il écrit sur son compte Instagram.

La démission de M. Zarif a été confirmée auprès de l’Agence France Presse (AFP) de source officielle iranienne. Elle doit encore être acceptée par le président Hassan Rohani.

« Je suis extrêmement reconnaissant au peuple iranien et à ses dirigeants respectés pour la magnanimité dont ils ont fait preuve pendant 67 mois », ajoute M. Zarif dans son message sur Instagram.

Agé de 59 ans, il a dirigé la diplomatie iranienne pendant tout le premier mandat de M. Rohani (2013-2017). Il a été reconduit à ce poste après la réélection du président, qui fait figure de modéré en Iran.

Bête noire des ultraconservateurs

M. Zarif a été le négociateur en chef de l’accord conclu à Vienne, en juillet 2015, entre la République islamique et le Groupe 5 + 1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) pour mettre fin à 12 ans de crise autour du programme nucléaire de Téhéran.

Bête noire des ultraconservateurs iraniens, il a vu ces derniers mois les critiques s’intensifier contre lui après la décision du président américain Donald Trump de retirer unilatéralement son pays de ce pacte en mai 2018.

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L’annonce de cette démission survient au soir d’une visite surprise à Téhéran du président syrien Bachar Al-Assad, qui s’est entretenu avec le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et M. Rohani. Selon l’agence ISNA, M. Zarif n’était présent à aucune de ces deux entrevues.

Défenseur inlassable de l’accord de 2015, même après le retrait américain, M. Zarif a croisé le fer à de nombreuses reprises avec ses adversaires politiques depuis mai 2018. Diplomate expérimenté, il a passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis, ce qui le rend hautement suspect aux yeux des ultraconservateurs.

Durant les négociations avant l’accord de Vienne il a rencontré à de multiples reprises son homologue américain de l’époque John Kerry, tissant des relations personnelles et cordiales avec le représentant du « grand Satan ».

« La réalité de la situation »

Dimanche, il avait réagi à la décision du Groupe d’action financière (GAFI) d’accorder un ultime délai à l’Iran pour que le pays se conforme d’ici à juin aux critères internationaux contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sous peine de sanctions.

L’adoption des mesures législatives auxquelles Téhéran s’est engagé vis-à-vis du GAFI fait l’objet d’un bras de fer entre le gouvernement et le Parlement d’un côté, et des organes de contrôle du système politique iranien, où dominent les ultraconservateurs.

Cité par l’agence ISNA et faisant référence aux membres d’un de ces organes – le Conseil de discernement –, M. Zarif avait lancé : « Il faut que nos amis observent et prennent leurs décisions en fonction des réalités. Jusqu’à présent, ils affirmaient que rien n’allait se passer, maintenant ils voient la réalité de la situation. »

« De toute façon, nous nous soumettrons à la décision qu’ils prendront, mais il faut qu’ils connaissent les conséquences de leur décision », avait ajouté M. Zarif.

L’adoption des mesures demandées par le GAFI est l’une des conditions posées pour la mise en place effective du système de troc imaginé par l’UE pour permettre à l’Iran de continuer à commercer avec les pays du Vieux continent en contournant les sanctions économiques réimposées par Washington après le retrait américain de l’accord nucléaire.

Quelques jours après l’annonce de ce système de troc, M. Khamenei, qui a le dernier mot sur toutes les décisions de politique étrangère de la République islamique, avait mis en garde en affirmant que son pays « ne devrait pas [faire] confiance » aux Européens.