Le pape François, lors de la cloture de la « rencontre sur la protection des mineurs », au Vatican, dimanche 24 février. / Giuseppe Lami / AP

Editorial du « onde ». Singulier hasard du calendrier : la condamnation du cardinal australien George Pell, numéro trois du Vatican, dans une affaire d’abus sexuels sur mineurs, a été révélée, mardi 26 février, au moment où s’achevait à Rome une « rencontre sur la protection des mineurs ».

Ce prélat de 77 ans, qui a été exfiltré du conseil des cardinaux chargés de conseiller le pape, mais est toujours, sur le papier, à la tête du secrétariat pour l’économie du Saint-Siège, est le plus haut responsable de l’Eglise catholique jamais condamné pour des actes de pédophilie. Mgr Pell, qui a fait appel, encourt jusqu’à cinquante ans de réclusion.

Ces faits sont symptomatiques de la gravité de la situation à laquelle est confrontée l’Eglise romaine. Chaque jour, ou presque, de nouvelles révélations sur des agressions sexuelles sur mineurs viennent ternir un peu plus son image. Le pape François est-il conscient de l’ampleur de cette tragédie ? A plusieurs reprises, il a donné des signes dans ce sens. Mais l’allocution de clôture de la rencontre de Rome, qu’il a prononcée dimanche 24 février, montre qu’il a encore un long chemin à faire.

Alors qu’il a souvent revendiqué la responsabilité, et donc la culpabilité, de l’Eglise, le pontife a incriminé cette fois… Satan. Derrière les abus sexuels, « il y a Satan », a-t-il assuré en évoquant « une manifestation du mal flagrante, agressive, destructrice ». Comme s’il suffisait de sortir le diable de l’enfer, de proférer un « vade retro Satana » pour exorciser le mal, les prêtres coupables étant sous l’emprise d’une force satanique et donc pas totalement responsables…

« C’est un blabla pastoral »

Ce propos a affaibli le discours du pontife argentin, qui a pourtant affiché une réelle fermeté. « Si, dans l’Eglise, a-t-il martelé, on détecte même un seul cas d’abus – qui représente déjà en soi une horreur –, un tel cas sera affronté avec la plus grande gravité. » Jugeant qu’il s’agissait d’un problème universel, qui « malheureusement existe presque partout », il a souligné que l’Eglise fera « tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la justice quiconque aura commis de tels délits. L’Eglise ne cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas ». Mais, en dehors de la mise en place d’équipes mobiles pour aider les conférences épiscopales dépourvues de moyens, les mesures concrètes qui avaient été promises attendront.

Les représentants des associations de victimes n’ont pas caché leur déception. « C’est un blabla pastoral, la faute du diable », a dit l’un d’eux. « Il n’y a rien sur la tolérance zéro, l’exclusion définitive de violeurs d’enfants et des agresseurs sexuels », a renchéri un autre.

De fait, il n’y a rien sur le renvoi systématique des prêtres fautifs de l’état clérical, la révocation d’évêques convaincus d’avoir protégé des coupables, la publication des archives. On n’a pas plus progressé sur la question du secret pontifical qui, lors d’un procès canonique, impose un mur de silence privant les victimes de leurs droits les plus élémentaires dans la procédure. Sera-t-il enfin allégé ? Ce n’est pas acquis.

Il n’y a pas eu davantage de clarifications sur les règles à instaurer pour juger les évêques défaillants. Les faiblesses de ces mécanismes ont déjà été reconnues, mais on est loin de la création d’un tribunal spécial, réclamé par les victimes, pour les évêques.

En convoquant cette rencontre, François a pris une initiative louable mais pour l’heure décevante.