Le Nanga Parbat (en arrière-plan) fait partie des quatorze plus hauts sommets de la planète, culminant à 8 126 mètres. / AAMIR QURESHI / AFP

Depuis un appel de Daniele Nardi à son épouse le 24 février, c’est le silence radio. On est sans nouvelles de l’alpiniste italien ainsi que de son compagnon de cordée britannique, Tom Ballard. Tous deux tentent l’ascension hivernale du Nanga Parbat, au Pakistan. Ce sommet, qui fait partie des quatorze plus hauts de la planète, culmine à 8 126 mètres et a été le théâtre, il y a treize mois, du sauvetage hors norme par une cordée polonaise de l’alpiniste française Elisabeth Revol. Le compagnon de cordée polonais de cette dernière, Tomek Mackiewicz, avait trouvé la mort dans cette ascension après qu’ils eurent atteint le sommet.

Lors d’un contact avec le camp de base à l’aide d’un téléphone satellite, le 22 février, Daniele Nardi, 42 ans, et Tom Ballard, 29 ans, ont indiqué redescendre du camp 4 au camp 3, établi à 6 300 mètres d’altitude. Exécrable depuis plusieurs jours, la météo s’est éclaircie, mercredi 27 février, mais les personnes présentes au camp de base qui scrutent à la jumelle les flancs de « la montagne tueuse », comme est surnommé le Nanga Parbat, n’y ont détecté aucun mouvement.

Daniele Nardi, un himalayiste chevronné

La cordée italo-britannique a emprunté le redoutable éperon Mummery, sur le versant ouest du Diamir. Himalayiste chevronné, Daniele Nardi a déjà gravi le Nanga Parbat en été ainsi que l’Everest (8 848 mètres), le Broadpeak (8 047 mètres), le K2 (8 611 mètres), le Shishapangma (8 027 mètres) et le Cho Oyu (8 201 mètres).

Sa quête d’une ascension hivernale du Nanga Parbat relève d’une formidable ténacité. Il s’agit de sa cinquième tentative. La première fois, en 2013, accompagné d’Elisabeth Revol, il n’avait pas dépassé les 6 500 mètres à cause du froid. En 2014, la météo l’avait cloué au camp de base. En 2015, il avait atteint 7 800 mètres, et il avait abandonné en 2016 alors que la première hivernale avait été réussie par son compatriote Simone Moro, l’Espagnol Alex Txikon et le Pakistanais Ali Sadpara.

C’est peu dire que Tom Ballard, 29 ans, a reçu la montagne en héritage. Sa mère, la célèbre alpiniste écossaise Alison Hargreaves, était enceinte de six mois lorsqu’elle a gravi la face nord de l’Eiger en solitaire. Deuxième femme à avoir réussi l’ascension de l’Everest, en mai 2015, elle a disparu trois mois plus tard au Pakistan dans une tempête, à l’âge de 33 ans, lors de sa redescente du K2. A l’été 1993, elle avait également gravi les six plus grandes faces nord des Alpes en solo (Grand sommet de Lavaredo, Pizzo Badile, Cervin, Grandes Jorasses, Petit Dru et Eiger), un exploit répété par Tom à l’hiver 2014-2015.

Le Pakistan a fermé son espace aérien

Excellents montagnards, Daniele Nardi et Tom Ballard pourraient se trouver en panne de téléphone ou dans une « zone blanche », mais l’inquiétude est vive. De sources pakistanaises, l’expérimenté Ali Sadpara – qui a participé à la tentative hivernale manquée de Daniele Nardi en 2015 sur le Nanga Parbat – se tient prêt à décoller de Skardu à bord d’un hélicoptère de l’armée pakistanaise pour rallier le camp de base et tenter une reconnaissance. Mais jusqu’ici les affrontements qui opposent Inde et Pakistan dans la zone du Cachemire ne jouaient pas en la faveur d’une opération de sauvetage.

Le Pakistan a, en effet, fermé son espace aérien après avoir annoncé qu’il avait abattu, au matin du 27 février deux avions de chasse indiens en riposte à une frappe aérienne indienne menée, mardi 26 février, sur Balakot (Pakistan). Cette bourgade est une base de l’organisation terroriste Jaish-e-Mohammed, jugée responsable de l’attentat-suicide du 14 février qui a causé la mort de 40 militaires indiens au Cachemire indien. Malgré ces vives tensions, l’armée pakistanaise a annoncé dans l’après-midi du mardi 27 février qu’elle ferait une exception pour porter secours à Daniele Nardi et Tom Ballard en acheminant dès le 28 février au matin Ali Sadpara aussi haut que possible sur le Nanga Parbat. Il est également envisagé d’héliporter, depuis le camp de base du K2, une équipe d’alpinistes russo-kazakh pour lui prêter main-forte si la météo le permet.