Le président des Etats-Unis Donald Trump embarque à bord de l’avion Air Force One, le 25 février. / SAUL LOEB / AFP

Le vote a été unanime chez les démocrates et treize républicains les ont rejoints. En adoptant par 245 voix contre 182, mardi 26 février, une résolution visant à annuler l’urgence nationale décrétée par Donald Trump pour justifier le financement d’un mur à la frontière avec le Mexique, les élus de la Chambre des représentants, majoritairement démocrate depuis début janvier, ont porté un coup symbolique à l’une des annonces les plus controversées du président des Etats-Unis. Jamais des élus n’avaient demandé que soit annulée une déclaration présidentielle d’urgence nationale, une procédure utilisée 58 fois depuis son instauration en 1976.

Le vote de mardi ne préjuge en rien de l’avenir du texte, qui doit encore passer au Sénat, tenu par les républicains. Mais avec cette procédure, les démocrates ont atteint plusieurs objectifs : ils ont fragilisé une position que de Donald Trump avait défendue tout au long de sa campagne et depuis son élection sur la nécessité de construire un mur « payé par le Mexique » pour protéger le pays des immigrants et du trafic de drogue ; ils ont aussi pu faire valoir leur attachement à la Constitution, estimant que le fait de vouloir saisir de l’argent destiné à d’autres mesures (notamment militaires) pour financer le mur, alors même que le Congrès l’avait refusé, n’était pas constitutionnel.

Scepticisme chez les Républicains

« Nos fondateurs [les pères de la Constitution] avaient une grande vision. Ils ne voulaient pas d’un roi », a asséné Nancy Pelosi, la speaker de la chambre des représentants. Enfin, cette initiative des démocrates a forcé leurs collègues républicains à se positionner sur une décision présidentielle que tous n’approuvent pas.

La justification, réitérée mardi par la Maison Blanche, d’une « urgence humanitaire et sécuritaire à la frontière avec le Mexique menaçant la sécurité nationale », n’a jamais convaincu les démocrates. Mais elle laisse aussi sceptique certains républicains. Marco Rubio, le sénateur de Floride a mis en avant « la séparation des pouvoirs » et s’est inquiété de voir des dépenses utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été votées. « On ne règle pas un problème en en créant un nouveau ». « Aucune crise ne justifie de violer la Constitution », avait-il aussi déclaré il y a quelques jours.

A plus long terme d’autres craignent aussi que la décision de M. Trump créé un précédent, susceptible d’affaiblir les prérogatives du Congrès. De futurs présidents pourraient avoir recours à la procédure de l’urgence nationale pour mettre en œuvre des mesures de leur choix, dont le financement aurait été repoussé par les élus.

La menace d’un veto

En cas d’adoption par la Chambre et le Sénat, M. Trump a promis d’y mettre son veto, une procédure encore inédite sous sa présidence. Déjà trois des 53 sénateurs ont indiqué qu’ils voteraient certainement, ou très probablement, avec les démocrates, alors qu’une majorité simple de 51 voix suffirait. Néanmoins, les équilibres actuels du Congrès ne permettraient pas de bloquer le véto présidentiel, ce qui requiert une majorité des deux-tiers. Dans ce cas, la justice pourrait prendre le relais des élus. Seize Etats ont déposé une plainte contre la décision présidentielle. Elle pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême.

Ce sujet de tension entre M. Trump et les élus démocrates remonte à plusieurs mois. Soucieux de tenir sa promesse de campagne, vue favorablement par sa base, le président exigeait près de 6 milliards de dollars pour ériger le mur. Une demande rejetée par les démocrates. Le refus d’un compromis par M. Trump en décembre avait débouché sur le plus long shutdown (fermeture partielle du gouvernement fédéral) de l’histoire des Etats-Unis.

Finalement, républicains et démocrates du Congrès étaient parvenus à un accord prévoyant une enveloppe de près d’1,4 milliard de dollars pour la construction de 80 km de « barrières », là où M. Trump demandait 320 km de mur. « Mécontent », le président avait accepté de signer cette loi de financement pour « éviter un nouveau shutdown », mais avait dans la foulée décrété l’urgence nationale mi-février. Selon un sondage publié le 19 février par la radio publique NPR, 61 % désapprouvent la décision du président américain, 36 % la soutiennent.

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