Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter, lors d’une réunion de campagne, à Corbeil-Essonnes, en mars 2014. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Malgré la mort de l’ancien maire de Corbeil-Essonnes, Serge Dassault, le dossier judiciaire concernant un système d’achat de votes dans la municipalité se poursuit. Le Parquet national financier (PNF) demande un procès en correctionnelle pour huit personnes soupçonnées d’avoir pris part à ce système, a-t-on appris jeudi 28 février de sources concordantes, confirmant une information de France Inter.

Parmi ces huit suspects figurent l’actuel maire de la ville, Jean-Pierre Bechter, à qui M. Dassault avait demandé de se présenter après avoir été frappé d’inéligibilité. L’ancien milliardaire, mis en examen pendant l’enquête, étant mort l’an passé, l’action publique est éteinte à son encontre.

Deux ex-adjoints à la mairie, Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, un comptable suisse proche de M. Dassault, Gérard Limat, et des intermédiaires présumés du système sont également sous la menace du procès voulu par le PNF. L’un de ces derniers, Mamadou Kébé, est mort en janvier. Une source proche du dossier a expliqué que le Parquet national financier avait tout de même requis son renvoi faute de pièce pouvant certifier sa mort. Sitôt celle-ci confirmée, l’action publique sera également éteinte à son encontre.

Système rodé

Dans le réquisitoire définitif de 141 pages dont l’Agence Frence-Presse a eu connaissance, daté du 22 février, le parquet relève qu’« il est possible de deviner dans l’entrelacs des faits un système cohérent, ayant pour but d’influencer le vote des électeurs ». Les investigations ont permis de mettre au jour trois méthodes pour y parvenir : l’intermédiation d’un maire adjoint chargé de distribuer des fonds, des remises d’espèces alimentées par des comptes occultes à l’étranger et les retours en espèces de fonds envoyés au préalable à l’étranger.

Le PNF souhaite par exemple que M. Bechter soit jugé pour recel d’achats de votes et acceptation d’un don électoral au-delà du plafond autorisé, évalué à 7 millions d’euros de la part de Serge Dassault pour les municipales de 2009 – invalidées par le Conseil d’Etat – et 2010. Pour M. Lebigre et Mme Oliveira, il réclame notamment un procès pour complicité d’achats de votes, complicité, recel et blanchiment de financement illicite de campagne électorale. S’y ajoutent, pour cette dernière, le blanchiment de fraude fiscale et l’acceptation d’un don électoral au-delà du plafond autorisé.

Quatre ans d’enquête

Après plus de quatre ans d’enquête, les juges d’instruction avaient annoncé fin juillet 2017 la fin de leurs investigations. Ils avaient mis en examen Serge Dassault pour achats de votes, blanchiment et complicité de financement illicite de campagne électorale. Celui-ci avait vu ses déboires, démarrés avec l’invalidation de son élection de mars 2008, s’accélérer quand la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, avait transmis en 2010 au parquet une note sur des mouvements de fonds sur le compte de Jacques Lebigre.

Lors d’une perquisition au Clos des Pinsons, résidence et QG politique de Serge Dassault à Corbeil, deux listes avaient été retrouvées, avec plus d’une centaine de noms et des sommes sous des colonnes « payé » et « non payé » et des commentaires : « soutien sortie détention », « permis de conduire »… L’ancienne troisième fortune française avait toujours nié un scénario d’achats de voix, évoquant des dons ou se présentant comme victime d’extorsions.