Manon Aubry et Adrien Quatennens, jeudi 28 février à Troyes. / FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Manon Aubry ne ménage pas ses efforts. La jeune tête de liste (29 ans) de La France insoumise (LFI) pour les élections européennes du 26 mai enchaîne les rendez-vous. Un meeting par semaine jusqu’en avril, les plateaux télé, les radios… Rien que jeudi, elle a enchaîné une visite au Salon de l’agriculture puis un déplacement dans une compostière et enfin une réunion publique à Troyes, où elle était accompagnée par le député du Nord Adrien Quatennens et de la Rémoise Laure Manesse (en 61e position sur la liste). Au-delà des meetings, La France insoumise fait arpenter les routes de France à quatre « holovans » (des camions où l’on peut voir des hologrammes enregistrés de candidats), organise des porte-à-porte, des réunions dans les préfectures et sous-préfectures…

La joueuse de water-polo le sait : dans toutes les compétitions, l’endurance prime. Surtout quand la partie est mal engagée. Et l’heure est grave à La France insoumise : les sondages montrent tous une tendance baissière depuis plusieurs mois. Différentes études d’opinion donnent un match serré entre les mélenchonistes et la liste Europe-Ecologie Les Verts conduite par Yannick Jadot. Ainsi, la première vague de notre enquête électorale, réalisée du 15 au 21 février par Ispos-Steria, en partenariat avec le Cevipof (Sciences Po) et la Fondation Jean-Jaurès auprès de 10 002 personnes du panel électoral suivi depuis novembre 2015, donne les deux listes à égalité avec un score de 8 %. Peu, trop peu pour un mouvement qui aspire à être hégémonique à gauche et à incarner la première force d’opposition à Emmanuel Macron. « Les sondages à trois mois des élections ça ne veut pas dire grand-chose », tempère cependant Mme Aubry.

Comme souvent chez les « insoumis », lorsqu’une difficulté apparaît, le réflexe est d’en rendre responsables les journalistes. « Dans les médias, on ne nous pose pas de questions sur notre programme mais sur Jean-Luc Mélenchon, ajoute l’ancienne syndicaliste étudiante. Laissons la campagne démarrer et aller sur le débat de fond. Je ne suis pas déroutée, il faut mettre la distance nécessaire. »

Adrien Quatennens complète : « On regarde les sondages avec intérêt, comme un horoscope. Mais ça ne correspond pas au terrain, à ce que l’on voit. Ça nous donne un effet propulsif pour aller chercher les points [qui manquent] et refuser que le deuxième tour pourri de la présidentielle se rejoue avec un face-à-face La République en marche et le Rassemblement national. » Et se veut rassurant :

« On est les seuls à avoir les ingrédients pour faire campagne : nous sommes les seuls à avoir une liste et un programme. »

« Bon petit soldat de l’austérité »

Sur une petite scène centrale installée au cœur de la salle polyvalente de Saint-Julien-Les-Villas, Manon Aubry fustige « la politique du monarque » Emmanuel Macron. Les 250 places assises sont remplies. L’assistance, plutôt âgée, écoute attentivement l’ancienne porte-parole de l’ONG Oxfam, spécialisée dans la lutte contre l’évasion fiscale. Manon Aubry aura d’ailleurs dû attendre de longues minutes pour intervenir. La « vedette américaine » du soir, Adrien Quatennens, n’ayant visiblement pas envie de lâcher le micro.

Dans le viseur de Mme Aubry : le « dogme de l’austérité, mortifère, absurde et illégitime » dont M. Macron serait « le bon petit soldat ». Elle précise : « Les efforts, on les demande toujours aux plus pauvres, au nom de l’austérité demandée par l’Union européenne. (…) [Emmanuel Macron] ne va pas faire les poches de Bernard Arnault et des milliardaires. » Avec ce fil rouge de l’austérité, Manon Aubry décline beaucoup de thèmes de sa campagne comme la lutte contre l’évasion fiscale, la défense des services publics, d’un protectionnisme solidaire et de l’environnement ou encore la condamnation des traités de libre-échange qui « organisent le grand déménagement du monde ».

« Nous ne pouvons pas mener une politique écologique et sociale ambitieuse dans le cadre des traités. Ceux qui disent le contraire sont des menteurs ou des naïfs », a lancé, pour sa part, M. Quatennens rappelant que l’objectif de LFI est de faire du scrutin européen un « référendum anti-Macron ». Il n’a pas non plus hésité à rendre hommage, à de multiples reprises, aux « gilets jaunes ». Et espère une jonction entre ce mouvement et les marches pour le climat. Il résume par une formule : « Fin du monde ou fin du mois : mêmes responsables, même combat. » Reste à les faire converger dans les urnes.