Tempête sur le Pacifique. Nations historiques du rugby, les Fidji, les Samoa et les Tonga ne digèrent toujours pas la publication jeudi, dans le quotidien The New Zealand Herald, de la dernière version du projet de Ligue mondiale voulu par World Rugby et appelée à remplir le calendrier les années sans Coupe du monde.

A partir de 2020, cette compétition regrouperait douze pays : ceux qui participent au Tournoi des six nations, ceux de l’actuel Rugby Championship (la compétition entre les quatre grandes nations de l’hémisphère Sud), auxquels s’ajouteraient le Japon et les Etats-Unis. Toutes ces équipes se rencontreraient au moins une fois dans l’année et les quatre meilleures se retrouveraient ensuite en demi-finales avant une grande finale, sur le modèle de la Ligue des nations de football créée récemment par l’UEFA.

Un tel système exclurait pour une durée d’au moins dix ans les trois nations du Pacifique qui fourmillent de joueurs de talent mais survivent avec des moyens financiers limités. Sur les réseaux sociaux, de nombreux rugbymen ont déjà dénoncé ce projet qui priverait leur sélection de matchs contre les meilleures nations comme la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre ou la France… battue par les Fidji en novembre dernier.

« Esprit colonialiste »

Le Samoan Dan Leo qui dirige Pacific Player Welfare (association défendant les intérêts de ces joueurs issus du Pacifique) a annoncé à L’Equipe envisager une solution radicale pour protester. « Si ce projet se concrétise, ça sera difficile pour les joueurs du Pacifique d’aller à la Coupe du monde au Japon (qui début le 20 septembre). En tant que syndicat, ma recommandation serait de boycotter la Coupe du monde 2019. J’espère qu’on n’en arrivera pas à cette extrémité, mais on ne peut pas suivre une fédération qui a cet état d’esprit colonialiste. »

Les mots sont durs, mais l’amertume est compréhensible quand on sait que les Fidji, par exemple, occupent actuellement la 9e place du classement World Rugby devant le Japon (11e) et les Etats-Unis (13e) mais qui ont pour eux d’être des marchés économiques autrement plus importants. Un pays comme la Géorgie (12e au classement World Rugby) serait l’autre exclu de ce championnat fermé.

Le vice-président de World Rugby, l’ancien international argentin Agustin Pichot se « bat encore » pour un projet de Ligue mondiale comptant deux divisions de douze équipes avec promotion-relégation, et non un championnat fermé défavorable aux nations désargentées des Pacifiques. « Je ne soutiendrai jamais une Ligue qui barre le chemin aux nations émergentes », a écrit Pichot jeudi sur Twitter porteur du projet après les critiques de l’Association internationale des joueurs dont l’actuel capitaine des All Black Kieran Read ou l’Irlandais Jonny Sexton, président du syndicat international des joueurs de rugby (IRP).

Solidaire avec les joueurs du Pacifique, l’IRP déplore aussi cette absence de promotion-relégation qui « empêche » les « nations émergentes », en particulier celles d’Océanie, « d’accéder à des matches de haut niveau » et « limite leurs espoirs d’avancer et de progresser ». De son côté, World Rugby assure que « le développement des nations émergentes est au cœur du dialogue constructif sur le concept de Ligue des Nations ». Pas sûr que cela suffise à éteindre cette colère venue du Pacifique.