• Jacques Offenbach
    Concerto pour violoncelle « Concerto militaire ». Concerto pour violoncelle et vents de Friedrich Gulda

    Edgar Moreau (violoncelle), Les Forces majeures, Raphaël Merlin (direction)

Pochette de l’album consacré aux concertos d’Offenbach et Gulda par Edgar Moreau et Les Forces majeures (direction : Raphaël Merlin). / ERATO

On se souvient du choc de 2006, lorsque Jérôme Pernoo médusait le public du Théâtre du Châtelet en compagnie des Musiciens du Louvre sous la direction de Marc Minkowski avec un presque inédit, en tout cas une découverte : le flamboyant Concerto pour violoncelle, dit « Concerto militaire », composé par un Offenbach Rastignac, dont témoigne une parution chez Deutsche Grammophon. Cette fois, c’est au jeune Edgar Moreau de relever le gant et d’enfourcher un cheval de bataille aussi fougueux qu’un étalon, la morgue virtuose le disputant à la testostérone débridée, au détriment peut-être de la touche d’onirisme que son aîné savait suggérer avec art. Si Raphaël Merlin et ses Forces majeures n’atteignent pas dans Offenbach l’irrésistible élan, l’alacrité et le rayonnement des « Minkowskiens », ils savent déchaîner dans le concerto que le pianiste et compositeur Friedrich Gulda écrivit pour Heinrich Schiff en 1980 (gravé par les deux compères chez Arthaus Musik) – cinq parties avec vents, guitare, guitare électrique, contrebasse et batterie – l’esprit jouissif du pastiche qui juxtapose imageries populaires (fêtes tyrolienne ou bavaroise), effusion wagnérienne, souvenir de menuet Grand Siècle et accents funk-rock, un melting-pot brillant qu’Edgar Moreau défend avec l’irrévérente impétuosité de son talent et de sa jeunesse. Marie-Aude Roux

1 CD Erato/Warner Classics.

  • Prokofiev/Cowell
    Cinderella

    Œuvres de Serge Prokofiev et d’Henry Cowell par Wilhem Latchoumia (piano)

Pochette de l’album « Cinderella », œuvres de Serge Prokofiev et d’Henry Cowell par le pianiste  Wilhem Latchoumia. / LA DOLCE VOLTA

Cinderella (« Cendrillon ») n’est pas le ballet le plus connu de Serge Prokofiev (1891-1953). Surtout sous la forme des arrangements pour piano que le compositeur a réunis dans trois opus (95, 97 et 102). Amateur de raretés et de défis autres que techniques (sa virtuosité ne connaît pas de limite), Wilhem Latchoumia s’est emparé de ces 19 pièces comme d’un jeu de société dont il a rebattu les cartes. Les morceaux ne sont plus joués dans l’ordre prévu par la partition du genre pot-pourri, mais se succèdent au service d’une véritable narration. Entre danses et fées, avec insertion d’un matériau étranger, comme émanant d’un illustrateur venu d’une autre sphère : quatre pièces signées Henry Cowell (1897-1965), dont la célèbre Aeolian Harp jouée en caressant les cordes de l’instrument. L’ensemble, très imagé, donne l’impression d’un conte de fées revu et corrigé par un « bad boy ». Pierre Gervasoni

1 CD La Dolce Volta.

  • Cyrille Aimée
    Move On : A Sondheim Adventure

Pochette de l’album « Move On : A Sondheim Adventure », de Cyrille Aimée. / MACK AVENUE / PIAS

Si le jazz continue régulièrement de puiser dans le répertoire d’Irving Berlin, de Jerome Kern, de Richard Rodgers, de Lorenz Hart, d’Oscar Hammerstein, de Cole Porter ou d’Harold Arlen, pour les Musicals de Broadway les plus connus des années 1920 à 1940, il aborde plus rarement les œuvres du compositeur et auteur américain Stephen Sondheim (A Funny Thing Happened on The Way to The Forum, A Little Night Music, Pacific Overtures, Sweeney Todd, Sunday in The Park with George, Passion…). Sa carrière a débuté, il est vrai plus tard, à partir de la fin des années 1950. C’est à la chanteuse Cyrille Aimée que l’on doit donc une précieuse exploration, qui pourra constituer une découverte, avec l’album Move On : A Sondheim Adventure. Elle y affirme à nouveau un grand talent vocal, une justesse d’expression et d’émotion dans l’interprétation. Que cela soit dès le premier thème, par sa seule voix, en trio piano, basse, batterie, en allant vers le swing manouche avec violon, avec un quatuor à cordes (superbe Marry Me a Little) ou une section de vents. Mention spéciale d’éclat musicien à Not While I’m Around, en trio et à Move On, qui combine cordes et vents. Sylvain Siclier

1 CD Mack Avenue Records/PIAS.

  • Randy Brecker
    Rocks

Pochette de l’album «  Rocks », de Randy Brecker. / JAZZLINE / SOCADISC

Trompettiste de grand talent, Randy Brecker a mené, de 1975 à 1981, avec son frère le saxophoniste Michael Brecker, l’un des meilleurs groupes de jazz fusion, The Brecker Brothers. Pop, jazz et rock y étaient mélangés, et la formation se tenait un peu éloignée de l’aspect virtuose d’autres groupes de la même époque. On retrouvera dans le nouvel album de Randy Brecker plusieurs thèmes du groupe, dont Rocks, qui donne son titre au disque – la pochette est particulièrement tarte –, Squids ou Threesome. Auxquels s’ajoutent quelques compositions de Randy Brecker tirées de sa carrière solo. Le tout avec le NDR Big Band, l’orchestre de jazz de la radio de Hambourg. Un ensemble de premier ordre, qui vient donner au lyrisme des compositions de Brecker relief et densité. Ce dernier fort inspiré au bugle dans Pastoral et Sozinho, à la trompette dans Above and Below ou dans Rocks, envol funky parfaitement arrangé par Jörg Achim Keller. S. Si.

1 CD Jazzline/Socadisc.

  • Jessica Pratt
    Quiet Signs

Pochette de l’album « Quiet Signs », de Jessica Pratt. / MEXICAN SUMMER / CITY SLANG

Une voix sibylline polarise l’attention. Blonde fluette aux yeux surlignés d’un trait de crayon charbonneux, la Californienne Jessica Pratt cultive le mystère par son étrange timbre, tout à la fois candide et spectrale. La native de San Francisco, âgée de 31 ans, est aussi une des rares folksingers à s’accompagner d’une guitare classique (comme jadis Bobbie Gentry), ce qui procure à son écriture une couleur brésilienne inhabituelle. Quatre ans après On Your Own Love Again (Drag City), ce troisième album a été enregistré pour la première fois dans un véritable studio, à Brooklyn, et coproduit par Al Carlson (St. Vincent, Oneohtrix Point Never). Neuf compositions à la belle épure, délicatement ouatées d’une flûte, d’un orgue ou d’un piano, invitation à un rêve suave. Cette pop de chambre laisse filtrer des stores une lumière estivale, établissant une passerelle intemporelle entre Caetano Veloso et Vashti Bunyan. Franck Colombani

1 CD Mexican Summer/City Slang.

  • Las Hermanas Caronni
    Santa Plastica

Pochette de l’album « Santa Plastica», de Las Hermanas Caronni. / LES GRANDS FLEUVES / L’AUTRE DISTRIBUTION

Depuis Baguala de la siesta, paru en 2011, les sœurs (jumelles) Laura et Gianna Caronni, musiciennes (clarinette, violoncelle) et chanteuses auteures-compositrices, séduisent par leur musicalité naturelle, leur sens de la mélodie, leur attachement au détail. Des qualités que l’on retrouve dans ce quatrième album, pour lequel elles ont su bien s’entourer (ErikTruffaz, Piers Faccini, Jean Lamoot à la direction artistique…). Leurs inspirations vont de l’Argentine (installées en France depuis la fin des années 1990, elles ont grandi sur les rives du fleuve Parana, à Rosario) à Ravel, Debussy, Bach et Mozart (allusions à leur solide bagage classique), de leurs préoccupations écologiques allégées d’un fil d’ironie (Santa Plastica) à de pudiques évocations d’histoire personnelle (Copla para mi mama, Buena de mas). Des inspirations qui suivent un chemin sinueux. La création est un oiseau volant « sans feuille de route et jamais en ligne droite » disait la poétesse et chanteuse chilienne Violeta Parra (1917-1967), citée autrefois par les Caronni, à propos d’un de leurs albums précédents. Patrick Labesse

1 CD Les Grands Fleuves/L’Autre Distribution.