Près de Jamestown (Australie), le 1er décembre 2017. / David Gray / REUTERS

Une pizza faite maison, achetée surgelée ou consommée au restaurant n’aura pas le même impact carbone. Pour la première, il faudra tenir compte de l’empreinte carbone de chaque ingrédient et de leur mode de préparation et de cuisson. Pour la deuxième seront intégrés le procédé de fabrication en usine, le transport et la conservation. Pour la dernière devra entrer en considération l’énergie consommée par l’établissement.

Au final, le fait-maison, composé à partir d’aliments bruts, remportera le match de l’empreinte carbone, peut-on déduire de la lecture d’un rapport du think tank français Institute for Climate Economics (I4CE). Celui-ci a compilé les études existantes pour quantifier l’impact au niveau mondial de la demande alimentaire globale sur les émissions de gaz à effet de serre et identifier les leviers qui permettraient de les réduire.

S’il est relativement aisé d’évaluer combien de gaz à effet de serre génère une surface agricole, il est beaucoup plus compliqué de calculer l’empreinte de toute la chaîne alimentaire, comprenant la conversion des terres, la transformation des produits, leur stockage ou le traitement des déchets, comme s’efforcent de le faire les auteurs du rapport, publié le 25 février.

Le premier constat est que les données manquent. En cherchant à mettre en cohérence plusieurs études internationales parues ces dernières années, les experts d’I4CE estiment que la demande alimentaire mondiale génère de 22 % à 37 % des rejets de gaz à effet de serre, tous secteurs confondus. Une fourchette large, qui s’explique notamment par la difficulté à chiffrer l’effet du changement d’affectation des sols, c’est-à-dire la déforestation entraînée par la production alimentaire.

« Il n’y a pas de consensus sur la part de la consommation alimentaire dans l’ensemble des émissions en raison de cette incertitude, mais l’ordre de grandeur auquel nous avons abouti – un tiers des émissions anthropiques globales dues à l’alimentation – est fiable », détaille Lucile Rogissart, chargée de recherche pour l’I4CE et coauteure de l’étude.

A l’échelle de la France, le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement a conclu dans une enquête parue en janvier que l’alimentation pèse pour 24 % de l’empreinte carbone des ménages français, mais cette donnée ne tenait pas compte du paramètre de l’affectation des sols.

Lutte contre le gaspillage

Vu sa part dans les rejets mondiaux, l’alimentation a donc un rôle central à jouer pour atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris destiné à contenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C. L’étude de l’I4CE évalue le poids des différentes étapes de la production alimentaire. « Les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de nourriture sont rejetées avant la sortie du produit de la ferme, précise Lucile Rogissart. La transformation et le transport comptent pour 20 % et la phase finale, du magasin à l’assiette, pour 13 %. »

Selon les données rassemblées par le think tank, le secteur de l’élevage génère à lui seul 63 % des rejets de l’alimentation alors qu’il ne fournit que 16 % des calories consommées dans le monde. Pour Mme Rogissart, « réduire sa consommation de produits animaux, et surtout de viande de ruminants, est de loin le levier le plus efficace, tout en étant compatible avec des enjeux de santé publique ». Une vaste étude publiée en janvier par la revue médicale The Lancet et la fondation EAT préconise ainsi de ne pas consommer plus de 100 g de viande rouge, l’équivalent d’un steak, par semaine.

La lutte contre le gaspillage alimentaire constitue l’autre axe à privilégier. « Diviser le gaspillage par deux permettrait de réduire les émissions d’environ 5 % », insiste l’étude de l’I4CE, qui appelle également à réduire la consommation de produits très transformés, suremballés ou importés par avion et à respecter la saisonnalité. Un fruit poussant en serre chauffée génère « 6 à 9 fois plus d’émissions qu’un même fruit produit en saison », notent les auteurs.

En revanche, l’achat en circuit court ou en agriculture biologique se révèle moins significatif en termes de bilan carbone. « L’agriculture biologique est plus émettrice, en moyenne et à l’heure actuelle, que le secteur conventionnel du fait de rendements inférieurs, indique Lucile Rogissart. Mais le bio apporte d’autres bénéfices, notamment environnementaux. »

Pour réduire l’empreinte carbone de son assiette, le consommateur se trouve ainsi placé face à ses choix. Mais l’analyse de l’I4CE alerte surtout sur la nécessaire mise en cohérence des politiques publiques agricoles, sanitaires et environnementales.

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