© Camille Moulin-Dupré

Trois ans déjà que le premier volume du Voleur d’estampes nous avait introduits à la pratique graphique minutieuse et originale du Français Camille Moulin-Dupré, cet amoureux du Japon et de son iconographie rigoureuse et exotique. On y voyait les aventures d’un jeune Robin des bois prolétaire et justicier, accompagné d’une héritière opiomane prisonnière des conventions de son temps. Un mélange romanesque dans un univers poétique, celui du Japon de la période Meiji, encore attaché au sakoku (l’isolement volontaire de l’archipel) et aux traditions shinto, mais sur la voie d’une modernisation forcée.

Tragédie et onirisme

C’est cet univers mixte que le dessinateur restitue dans ce volume 2, avec les mêmes personnages, dans ce même Japon teinté ici d’une dimension tragique et onirique nouvelle, qui marque l’évolution des personnages dans le récit. D’un volume l’autre, le héros a mûri, sa compagne aussi et la société a changé. Après l’ascension, et le succès insolent dans le volume 1, est venu un temps plus sombre, où la légitimité du héros est remise en question. Motivé par un projet plus individualiste, ce superhéros japonais est finalement bien humain, et ses défauts, questionnements et certitudes plus apparents.

© Camille Moulin-Dupré

A la croisée des chemins entre manga et recueil d’estampes, ce second volume reprend les mêmes principes graphiques que le premier, avec ce même souci du détail et ce même jeu de collages « intertextuels ». Sur chaque page, il y a une référence à l’estampe traditionnelle, et particulièrement à Hokusai, dont l’auteur reprend nombre de travaux. Du sampling, entièrement numérique, un exercice qui n’est pas si fréquent dans le monde du manga, avec peut-être le défaut d’un trait un peu aseptisé, mais tellement efficace en matière de production. « C’est un peu comme les gens qui font du rap, ils ne s’y connaissent pas tous en musique… », nous dit l’auteur.

Patchwork

La culture japonaise affleure aussi partout dans la représentation des temples et de la géographie locale. Ici, c’est le Yakushi-ji de Nara, là, le Horyu-ji ou encore l’Higashi Hongan-ji de Kyoto. Et toujours la représentation d’Enoshima, cette ville côtière que les touristes connaissent bien, puisqu’elle est le passage obligé pour aller à Kamakura, attraction tokyoïte incontournable.

© Camille Moulin-Dupré

Entorse au manga, l’auteur emploie une lecture occidentale de gauche à droite. « Je viens du cinéma d’animation et quand tu regardes vers la droite dans l’animation c’est le futur » nous dit l’auteur, qui rappelle son passé dans ce secteur. Une compétence qu’il a mise intensément en pratique lors de sa participation au film L’Ile aux chiens de Wes Anderson. « Quand j’ai travaillé pour Wes Anderson, j’ai dû un peu moins être sur la référence et plus faire du patchwork. La collaboration avec Wes Anderson m’a décoincé, il m’a beaucoup fait travailler et il m’a demandé de faire les choses les plus compliquées du tome 1, multipliées par 10. Du coup le tome 2, je l’ai fait vraiment beaucoup plus vite, les 100 dernières pages ont pris trois mois. »

© Camille Moulin-Dupré

Le Voleur d’estampes, volume 2, de Camille Moulin-Dupré, en librairie depuis le 16 janvier, éditions Glénat, 224 pages, 13,25 euros.