Des membres du Soweto Gospel Choir reçoivent le Grammy Award du meilleur album de musique du monde, à Los Angeles, le 10 février 2019. / FREDERIC J. BROWN / AFP

Quand Questlove, du groupe américain The Roots, a annoncé que le Soweto Gospel Choir remportait un Grammy, le groupe d’Afrique du Sud a gagné sa place dans l’histoire de la musique. « Il bégayait presque », bredouillant « et le vainqueur est Fr, Fr, Freedom, Sss, Soweto Gospel Choir ». « Nous nous sommes levés d’un bond ! », raconte le chef de chœur Shimmy Jiyane, en pouffant au souvenir du moment où leur album Freedom a remporté le Grammy Award du meilleur album de musique du monde, le 10 février à Los Angeles.

« J’ai hurlé à pleins poumons » quand j’ai appris que l’hommage du Soweto Gospel Choir à Nelson Mandela avait gagné, se rappelle Mary Molobetsi, qui fait partie du groupe. « Puis il y a eu les youyous, notre côté habitant de Soweto s’est manifesté, et nous n’avons pas pu nous retenir », a-t-elle ajouté.

Il s’agissait du troisième Grammy remporté par le groupe de gospel sud-africain en dix-sept ans d’existence. Il s’ajoute à une longue liste de distinctions, dont un Emmy Award. Leur compilation de douze titres en l’honneur du héros de la lutte contre l’apartheid, Nelson Mandela, dépasse les critères élevés fixés par le premier album du groupe, Voices From Heaven, qui s’était classé numéro un au hit-parade de musique du monde du magazine Billboard.

« Une nourriture pour l’âme »

Freedom, sorti pour marquer le centenaire de la naissance de Mandela en 2018, donne aux chansons de lutte une touche de modernité. Ce genre musical est enraciné dans le passé de l’Afrique du Sud, à l’époque où la majorité noire subissait la domination de la minorité blanche sous le régime de l’apartheid. « C’est d’une certaine façon l’histoire de ce qu’il s’est passé à cette époque », explique à l’AFP le chanteur Mulalo Mulovhedzi. L’album s’inspire « des combattants de la liberté de 1976, car il est fondé sur la liberté. L’idée était que nous devons retourner à Soweto, où la liberté a commencé ».

Le township de Soweto, à une quinzaine de kilomètres de Johannesburg, est un des endroits où les Noirs ont été relégués sous le régime ségrégationniste et est le foyer du groupe depuis sa fondation en 2002. Une grande partie de la musique du Soweto Gospel Choir est composée et arrangée dans des langues sud-africaines, y compris le zoulou, le xhosa et même l’afrikaans, et a pourtant conquis un large public à l’étranger.

« Quand nous chantons, c’est comme si les gens nous comprenaient, c’est universel, c’est spirituel et c’est une musique qui a le pouvoir de revigorer », souligne le directeur musical Diniloxolo Ndlakuse, vêtu d’un flamboyant costume traditionnel. « Quand nous pleurons et montrons nos émotions, le public pleure, ajoute Shimmy Jiyane. Tu dois te rappeler que la musique est une nourriture pour l’âme, elle te guérit même si tu ne comprends pas ce que je dis. »

Cinquante-deux membres

Le Soweto Gospel Choir, qui compte cinquante-deux membres, s’est produit dans des lieux prestigieux comme le Carnegie Hall de New York, l’Opéra de Sydney et le Royal Festival Hall à Londres. A Johannesburg, le bruit rythmé de pieds et de mains tapant à l’unisson remplit la salle où le groupe répète. Deux rangées d’une vingtaine d’hommes et de femmes âgés de 24 à 50 ans s’harmonisent autour d’un djembé. En raison de sa popularité croissante, le groupe s’est scindé en trois unités identiques pour répondre à la demande mondiale.

Les chanteurs en costumes de couleurs vives ont collaboré avec plusieurs artistes internationaux, dont Céline Dion, Chance The Rapper et Peter Gabriel sur la chanson Down To Earth, de la superproduction Wall-E, se faisant ainsi connaître par un public encore plus large. Le titre a ensuite remporté un Grammy dans la catégorie meilleure chanson de film.

Mulovhedzi, dont le défunt père David a cofondé le groupe, estime que le son de la formation a évolué « en raison de l’expérience (…), des collaborations avec d’autres artistes ». Mais pour le chef de chœur Shimmy Jiyane, les sons qui font sa signature sont « simples » et inchangés. « C’est quelque chose de brut, quelque chose qui est fièrement sud-africain et qui vient des rues de Soweto », précise-t-il.