L’exploitant d’un télésiège est tenu envers ses clients d’une obligation de sécurité de résultat. / Michael Fischer/ImageBroker / Photononstop

SOS CONSO Lorsque le skieur se blesse dans une remontée mécanique ou sur une piste, il peut mettre en cause l’exploitant de la station. S’il avait acheté un forfait - qui lui tient lieu de contrat -, il peut le faire sur le fondement de l’article 1147 du code civil. Il doit alors prouver que l’exploitant n’a pas exécuté l’obligation de sécurité prévue par ce contrat, qu’elle soit de résultat ou de moyens.

Obligation de moyen ou de résultat

L’exploitant est tenu envers ses clients d’une obligation de sécurité de résultat, quand ces derniers sont passifs, et d’une obligation de sécurité de moyens, quand ils sont actifs. La Cour de cassation a donc jugé, le 10 mars 1998, que l’exploitant d’un télésiège a une obligation de résultat pendant le trajet, puisque le passager est passif, et une obligation de moyens pendant l’embarquement ou le débarquement, puisque le passager est actif.

La Cour a légèrement revu sa position, le 11 juin 2002, en considérant que le moment où le passager enlève le garde-corps n’est qu’une « phase préliminaire » au débarquement, lequel « se définit comme le moment où l’usager quitte le siège sur lequel il était installé ». Elle considère donc que l’exploitant du télésiège avait une obligation de sécurité de résultat envers Mlle X qui, après avoir relevé le garde-corps, conformément aux instructions des panneaux disposés douze mètres avant l’aire de débarquement, est tombée sur le sol, et s’est grièvement blessée.

La jurisprudence en matière de téléski est, pour sa part, fixée depuis un arrêt du 4 novembre 1992 : « En raison de la participation active que l’usager d’un remonte-pente, tiré sur ses skis, est tenu d’apporter à l’opération, spécialement au départ et à l’arrivée, l’obligation de sécurité pesant sur l’exploitant est une obligation de moyens. »

Forfait et responsabilité contractuelle

Le skieur qui se blesse seul, sur une piste, peut aussi engager la responsabilité de l’exploitant, s’il estime que sa chute est due à la mauvaise signalisation d’un obstacle ou à la mauvaise protection d’une zone dangereuse. C’est ce qui se produit dans l’affaire suivante.

Le 3 avril 2009, Catherine C., qui évolue sur une piste de ski à Courchevel (Savoie), tombe, franchit une corde à boules, et vient percuter le toit d’un transformateur électrique situé en contrebas de la piste, se causant de multiples blessures dont quatre fractures. Un an plus tard, elle assigne la Société des trois vallées, en invoquant l’article 1147 du code civil, du fait qu’elle disposait d’un forfait.

Le tribunal de grande instance d’Albertville, qui statue le 22 juin 2012, la déboute, en jugeant qu’elle ne démontre pas qu’une faute commise par l’exploitant aurait causé son préjudice : la piste de difficulté moyenne était bien balisée, le bâtiment du transformateur se trouvait derrière les cordons de sécurité.

Signalisation et protection

Catherine C. fait appel. La cour d’appel de Chambéry, qui statue le 27 juin 2013, et dont l’arrêt est considéré par certains avocats comme un modèle de pédagogie, rappelle que « la pratique du ski impliquant une attitude active et une prise de risque de l’usager, l’obligation [de l’exploitant] est de moyen, ce qui induit, d’une part, que la responsabilité de l’exploitant ne peut être recherchée qu’en examinant s’il a mis en œuvre tout ce qui pouvait raisonnablement l’être pour y satisfaire, et d’autre part, qu’une faute de l’usager peut être, partiellement ou totalement suivant l’appréciation souveraine du juge, exonératrice ».

La cour précise que « ce sont la nature de l’obstacle, sa taille et sa situation, [mais aussi] la configuration des lieux, qui permettent de définir les moyens qui pouvaient légitimement et raisonnablement être exigés de l’exploitant pour considérer qu’il avait satisfait à son obligation de sécurité ».

Or, constate-t-elle, le bâtiment abritant un transformateur électrique que Catherine C. a percuté présentait une « dangerosité certaine », en raison notamment de son « caractère fixe » et de son « arête aiguë en béton ». La cour considère donc que « la mise en œuvre de deux séries de moyens pouvait être raisonnablement attendue de l’exploitant : une signalisation et une protection adaptées ».

En l’occurrence, juge-t-elle, la corde à boules constituait « un moyen suffisant de signalisation, au vu de la norme applicable (NF S 52-102 de juillet 2001) ». En revanche, « aucun moyen de protection n’avait été mis en œuvre, alors qu’un filet de protection empêchant, physiquement parlant, la rencontre entre un skieur et l’obstacle, à l’instar de celui mis en place par la suite, pouvait aisément et efficacement être installé. » La cour juge que la Société des trois vallées a manqué à son obligation de sécurité de moyens, « en ne mettant pas en place un tel dispositif simple, qui aurait permis d’éviter l’accident ».

Plaque de verglas

Le 30 décembre 1997, Alyette X, étudiante en activités physiques et sportives, fait du ski sur une piste de la station de Font-Romeu (Pyrénées-Orientales). Après avoir dérapé sur une plaque de verglas, elle quitte la piste, et heurte un rocher. Elle devient tétraplégique.

Ses parents assignent la commune, exploitante de la station, dont ils estiment qu’elle a manqué à son obligation de sécurité de moyens. La cour d’appel de Montpellier, qui statue le 21 décembre 2011, juge que cette dernière aurait dû « soit interdire le passage sur la portion de piste, soit prévenir et baliser la présence de la plaque de verglas, soit poser des filets de protection le long de la zone parsemée de rochers située en bordure de piste ». Elle la juge responsable de l’accident, et la condamne à payer un million d’euros (800 000 euros à la victime et 200 000 euros à la Caisse primaire d’assurance maladie).

La commune se pourvoit en cassation, en soutenant que « la présence de quelques zones verglacées sur une piste de ski de faible dénivelé ne constituait pas un danger anormal ». La Cour de cassation rejette son pourvoi, le 3 juillet 2013 : « Ayant relevé l’existence d’un risque tout particulier lié à la présence d’une plaque de verglas dans une portion réduite de la piste, bordée à sa gauche par des arbres et des rochers, ces derniers étant plus ou moins dissimulés par la végétation, et retenu qu’au passage de cette plaque, la probabilité pour le skieur de tomber et de terminer sa course en dehors de la piste contre un arbre, voire un rocher, avait été fortement sous-estimée par l’exploitant, la cour d’appel a pu en déduire que celui-ci avait manqué à son obligation de moyens en omettant de poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers. »

Casque et filet

Le 11 janvier 2009, Donacien X, quinze ans, est victime d’un accident sur une piste artificielle du complexe Loisinord, et subit un traumatisme crânien. Un expert judiciaire en sports de montagne estime que ce traumatisme est dû au choc de sa tête « soit sur la piste, soit sur le maillon d’attache d’un filet de protection, soit sur un muret en béton », auquel il s’est heurté, après être passé sous le filet de protection.

En décembre 2011, la mère de Donacien assigne la commune de Noeux-les-Mines, gestionnaire du complexe, en invoquant l’article 1147 du code civil. Elle soutient que la commune a manqué à son obligation de sécurité en n’ayant pas imposé, mais seulement recommandé, le port du casque, qui aurait prévenu le traumatisme crânien ; en n’ayant pas informé son fils des risques particuliers de glissade liés, ce jour-là, à la présence de neige et de verglas sur la piste synthétique ; en ayant installé un filet de protection inefficace, puisque, d’une part, dépourvu de boudins matelassés et, d’autre part, situé à une vingtaine de centimètres au-dessus du sol, si bien qu’il n’a pu arrêter le garçon.

La commune répond que l’adolescent a commis des fautes d’imprudence à l’origine de son dommage : il allait à une « vitesse excessive » ; il aurait dû porter le casque qu’elle mettait à la disposition des utilisateurs. La commune ajoute et que la présence d’une plaque de verglas constitue un « fait de la nature », qui l’exonère de toute responsabilité.

Le tribunal de grande instance de Béthune, qui statue le 8 avril 2014, puis la cour d’appel de Douai, le 12 mai 2016, et la Cour de cassation, le 5 juillet 2017, jugent que la commune a manqué à son obligation de sécurité de moyens, et qu’elle doit indemniser l’intégralité du préjudice subi par la victime.