L’opposant vénézuélien (centre) Juan Guaido le 2 mars en Equateur. / STRINGER / REUTERS

Le chef de l’opposition vénézuélienne Juan Guaido a annoncé son retour lundi 4 mars à Caracas à l’issue d’une mini-tournée en Amérique du Sud et appelle à manifester dans tout le pays, laissant augurer un nouveau bras de fer avec le régime de Nicolas Maduro. « J’annonce mon retour au pays. J’appelle le peuple vénézuélien à se rassembler dans tout le pays demain à 11 heures », écrit M. Guaido, qui a bravé une interdiction de sortie du territoire en se rendant dans la Colombie voisine, puis au Brésil, au Paraguay, en Argentine et enfin en Equateur.

Juan Guaido, 35 ans, président par intérim reconnu fin janvier par une cinquantaine de pays, demande à ses partisans de suivre « avec attention les comptes vérifiés » sur les réseaux sociaux pour s’informer des lieux de rassemblement.

« Ça va bien, parce que nous sommes ensemble. Allez le Venezuela ! » ajoute-t-il.

M. Guaido a annoncé en fin de journée qu’il s’exprimerait à 20 h 30 locales pour partager « le bilan » de sa tournée et annoncer de « prochaines actions », via les réseaux sociaux, et sans préciser où il se trouvait. Dimanche à la mi-journée il était toujours en Equateur, alors que son agenda officiel avait annoncé son départ dans la matinée.

Très peu de liaisons desservent désormais Caracas et les détails de son voyage ne sont pas connus. Il s’était rendu clandestinement en Colombie il y a une dizaine de jours en traversant la frontière terrestre grâce à l’aide, a-t-il affirmé, de militaires complices.

« Vers le dénouement »

Le retour de l’opposant représente un défi pour le président Nicolas Maduro, qui doit décider s’il l’arrête, au risque de provoquer une forte réaction internationale, ou le laisse rentrer sans encombre, bravant son autorité. « Le défi est déjà allé très loin ! S’il rentre et qu’ils l’arrêtent, ça risque de provoquer de fortes réactions au plan national et international. C’est un risque permanent pour Maduro », affirme à l’AFP l’analyste politique Luis Salamanca.

Le Venezuela traverse depuis une quarantaine de jours une série de turbulences politiques en plus d’une violente crise économique et d’une hyperinflation estimée à 10 millions de pour cent par le FMI sur l’année, provoquant des pénuries de produits de base et de médicaments.

M. Guaido s’est rendu en Colombie avec son épouse pour assister à un méga concert à Cucuta à la frontière, et soutenir le passage d’une aide humanitaire – finalement restée bloquée – avant d’entreprendre sa tournée où il a été à chaque fois reçu en chef d’Etat.

« Rendre des comptes à la justice »

M. Maduro a répété cette semaine qu’en tant que chef du Parlement, son rival se devait de « respecter la loi » et que s’il rentrait au pays, il devrait « rendre des comptes à la justice » : M. Guaido fait l’objet d’une enquête pour « usurpation » de pouvoir. Il est à ce titre interdit de sortie du territoire et a vu ses avoirs gelés, même s’il n’a pas jusqu’à présent été formellement accusé par la Cour suprême.

« Il doit rentrer pour continuer de faire pression de l’intérieur, même si le soutien international dont il bénéficie est énorme. Nous sommes face à une situation très délicate et chaque minute qui passe nous rapproche d’un dénouement dont on espère qu’il ne sera pas catastrophique », indique à l’AFP Eufracio Infante, avocat de 64 ans et professeur d’histoire.

De son côté, l’opposant avait déjà annoncé qu’il rentrerait « malgré les menaces ». Les Etats-Unis et les pays du Groupe de Lima (13 pays de la région et le Canada, qui le soutiennent) ont exprimé leurs préoccupations concernant sa sécurité.

Dimanche soir, l’Union européenne a de nouveau mis en garde sur Twitter contre toute intervention sur la personne de l’opposant : « Toute atteinte à la liberté, la sécurité ou l’intégrité personnelle de @jguaido constituerait une escalade des tensions et serait fortement condamnée ».

Intouchable

Le gouvernement américain, qui n’écarte pas une intervention militaire dans le pays, a aussi prévenu que s’il arrivait quelque chose à M. Guaido, « il y aurait des conséquences ».

« Guaido a pris tellement d’ampleur politiquement, que Maduro ne peut plus y toucher à la manière des chavistes (partisans de l’ex président Hugo Chavez, ndlr), le mettre sous pression, le harceler et l’obliger à fuir », estime l’analyste Luis Salamanca.

Président du Parlement, que domine l’opposition, Juan Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier et a déclaré M. Maduro « usurpateur » en raison des soupçons de fraudes qui pèsent sur l’élection de ce dernier à un deuxième mandat.

Depuis, il a convoqué plusieurs manifestations de soutien qui ont fait une quarantaine de morts et des centaines de blessés, selon les ONG.

Le président du Chili Sebastián Piñera a reproché dimanche à sa prédécesseure, Michelle Bachelet, actuelle présidente de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, de ne pas avoir condamné « la dictature de Maduro » et les atteintes aux droits humains commises au Venezuela.