Juan Guaido, à Caracas, le 4 mars. / STRINGER / REUTERS

Comme il l’avait promis, le président autoproclamé du Venezuela, Juan Guaido, qui depuis six semaines défie Nicolas Maduro, est rentré dans son pays lundi 4 mars, sous les yeux attentifs de Washington et de ses alliés internationaux. Malgré les menaces des autorités vénézuéliennes, M. Guaido est rentré « par l’aéroport de Maiquetia, comme le font les présidents ».

« Nous avons tenu parole », a lancé le dirigeant de 35 ans à ses partisans venus l’acclamer sur la place Alfredo-Sadel, dans l’est de Caracas. « Nous ne resterons pas tranquilles tant que nous n’aurons pas retrouvé la liberté. » M. Guaido, qui conteste la légitimité du deuxième mandat de Nicolas Maduro, entend maintenir la pression sur le pouvoir. Il a appelé ses compatriotes à descendre dans la rue le samedi 9 mars, et les militaires « à ne pas rester les bras croisés »

Depuis une semaine, le suspense était vif. M. Guaido, qui avait quitté le Venezuela le 22 février en dépit d’une interdiction judiciaire de sortir du territoire, a été reçu en chef d’Etat à Bogota, Rio, Buenos Aires, Lima et Quito. Allait-il être molesté, voire arrêté par les autorités vénézuéliennes ? Le président Maduro avait signalé que le député devrait « rendre des comptes à la justice ». Diosdado Cabello, le puissant numéro deux du régime, avait pour sa part prévenu qu’« un comité de réception » attendrait M. Guaido. Mais l’ennemi public numéro un de la révolution bolivarienne a passé sans encombre les services migratoires.

« Oui, c’est possible »

« Les fonctionnaires m’ont salué d’un “Bienvenue, président” », a raconté M. Guaido. Selon un de ses proches, des policiers présents se seraient même pris en photo en sa compagnie. S’adressant un peu plus tard à « ces messieurs de la force armée », M. Guaido a lancé : « Au vu des menaces reçues, il est évident que beaucoup n’ont pas obéi. La chaîne de commandement est rompue. Votre chef, c’est moi. »

De source colombienne, quelque 600 militaires vénézuéliens ont déserté depuis le début de l’année. Le mouvement rend compte du désespoir qui règne dans ce pays en proie à l’hyperinflation et aux pénuries récurrentes. Mais il ne semble pas menacer l’unité des forces de sécurité vénézuéliennes, qui comptent 350 000 membres et sont restées loyales à l’exécutif.

Dès son apparition dans le hall des arrivées de l’aéroport, M. Guaido a été acclamé. Les voyageurs se sont mis à scander son nom, reprenant le slogan « Si, se puede ! » (« oui, c’est possible ») cher à Barack Obama. Une bonne douzaine d’ambassadeurs européens et américains – du Canada à l’Argentine – étaient venus attendre M. Guaido, reconnu comme autorité légitime du Venezuela par plus de cinquante pays. « Nous sommes là pour garantir la démocratie et la liberté », a expliqué devant les caméras l’ambassadeur de France, Romain Nadal. « Nous espérons qu’il n’y aura pas d’escalade et que l’immunité parlementaire de M. Guaido sera respectée », a ajouté l’Espagnol Jesus Silva Fernandez.

« Seul un dialogue »

A la sortie de l’aéroport, le véhicule du M. Guaido a été bloqué par une foule joyeuse. En ces jours de carnaval, bien peu de Vénézuéliens travaillent. Les images du jeune président, en complet bleu et chemise blanche sur le toit de sa voiture, ont fait la joie des réseaux sociaux. « Il nous a rendu l’espoir », répètent les manifestants devant les caméras.

Avant même que l’avion de Juan Guaido se pose à Caracas, les Etats-Unis avertissaient le gouvernement de Nicolas Maduro que toute « menace, violence ou intimidation » contre le leader d’opposition provoquerait une « réaction rapide » de leur part. Après avoir écrit sur Twitter que « la sécurité de M. Guaido doit être garantie », John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, menaçait d’une « réponse dure et significative ».

« Nous suivons de près la situation », a pour sa part déclaré le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, rappelant que « seul un dialogue politique permettra de trouver une solution à la situation » et souhaitant que « tous les acteurs politiques au Venezuela et à l’extérieur s’efforcent de minimiser les tensions ».

En quittant le pays, M. Guaido avait pris un risque. Il était passé clandestinement en Colombie, le 22 février, pour coordonner le passage au Venezuela d’un convoi d’aide alimentaire et médicale. Plus politique qu’humanitaire, l’opération du 23 février a tourné à l’avantage, très relatif, de Nicolas Maduro, qui a bloqué les camions à la frontière. Deux jours plus tard, à Bogota, les pays membres du groupe dit « de Lima » écartaient l’option d’une intervention militaire, alors qu’elle avait été demandée par M. Guaido lui-même.

Jouer l’usure

Le jeune député est parvenu à reprendre la main. Sa tournée régionale réussie et son retour triomphal redonnent de l’allant à l’opposition. Mais M. Guaido sait que les défis qui l’attendent sont immenses. « Nicolas Maduro ne partira pas de bon gré », a-t-il rappelé. Soucieux d’éviter que le mouvement s’enlise, il doit multiplier les initiatives. Mardi, il rencontrera les syndicats du secteur public.

Lundi soir, Nicolas Maduro et ses ministres ne s’étaient toujours pas prononcés sur le retour de M. Guaido. Les adversaires du régime voient dans ce silence un aveu de faiblesse. Ils veulent croire que le gouvernement a choisi de ne pas arrêter Juan Guaido par peur de la rue et par crainte de représailles internationales. D’aucuns craignent que M. Maduro ait opté pour jouer l’usure et laisser le charismatique Juan Guaido se discréditer faute de résultats rapides.

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