Junichiro Hironaka, avocat de Carlos Ghosn, a donné une conférence de presse lundi 4 mars à Tokyo. / ISSEI KATO / REUTERS

« J’ai 73 ans mais je veux savoir à quel point mon rasoir est coupant ». C’est sur cette boutade que Junichiro Hironaka a terminé, lundi 4 mars, sa conférence de presse au club des correspondants de la presse étrangère (FCCJ) à Tokyo. Celui qui est surnommé « le Rasoir », en référence à la précision de ses argumentations, venait de passer quatre-vingt-dix minutes à répondre aux questions sur son nouveau et réputé client, l’ex-patron de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn, mis en examen pour infraction à la législation financière et abus de confiance aggravé.

M. Hironaka, cheveux gris et regard perçant, et qui assure la défense de M. Ghosn depuis la mi-février, a vu, mardi 5 mars, sa demande de libération sous caution acceptée par le tribunal de Tokyo, et se dit persuadé, depuis le début, de l’innocence de son client. « C’est mon intuition », lançait-il, le 20 février, lors de sa première intervention devant la presse.

Le 4 mars, M. Hironaka a pu apparaître prudent, notamment sur les éventuelles pressions extérieures ou l’analyse du rôle des dirigeants de Nissan et des gouvernements français et japonais. Sur le fond de l’affaire, il s’est montré plus « tranchant », soulignant d’une litote son aspect « pour le moins particulier » et s’en prenant à Nissan, qui, selon lui, était au courant depuis une dizaine d’années des faits en question et aurait dû les régler en interne. « Pour quelle raison l’entreprise a-t-elle dénoncé ces faits à ce moment précis, les présentant aux procureurs comme actes criminels ? »

Des affaires médiatisées

Né le 16 octobre 1945 dans le département de Yamaguchi (sud-ouest), diplômé de la prestigieuse faculté de droit de l’université de Tokyo et maître de la cérémonie du thé – selon la tradition du très martial seigneur Ueda Soko (1563-1650) –, M. Hironaka est connu pour sa défense des droits humains.

Il a forgé sa réputation au travers d’affaires hautement médiatisées et souvent remportées – fait exceptionnel dans un pays où le taux de condamnations dépasse les 99 % –, qui lui valent parfois d’être considéré comme le meilleur avocat du Japon.

Si le brillant avocat n’a pas pu empêcher Muneo Suzuki, figure de la politique nippone, de finir en prison pour corruption au milieu des années 2000, il peut se prévaloir de l’acquittement, en 2012, de l’influent politicien, Ichiro Ozawa, accusé de malversations financières.

M. Hironaka a aussi obtenu, en 2001, celui de Takeshi Abe, accusé dans une affaire de sang contaminé survenu dans les années 1980, quand il était vice-président du centre hospitalier universitaire de Teikyo, à Tokyo.

M. Hironaka n’hésite pas à critiquer le fonctionnement de la justice nippone, qu’il considère comme « médiéval »

« Le Rasoir » a également contribué à obtenir la libération, en 2010, de la haute fonctionnaire Atsuko Muraki, emprisonnée pendant quatre mois pour de fausses accusations de corruption, fabriquées de toutes pièces par les procureurs. Depuis, Mme Muraki, l’une des premières femmes à atteindre un tel niveau dans la fonction publique japonaise, multiplie les ouvrages et les interventions publiques pour dénoncer le fonctionnement du système judiciaire nippon.

En ce sens, Mme Muraki rejoint M. Hironaka, qui n’hésite pas à critiquer le fonctionnement de la justice nippone, qu’il considère comme « médiéval » et que l’affaire Ghosn pourrait, à ses yeux et compte tenu de la notoriété de son client, contribuer à réformer.