Des sacs en plastique sur le bord de la route à Ciudad Juarez au Mexique, le 27 février 2019. / JOSE LUIS GONZALEZ / REUTERS

Les chiffres qu’égrène le WWF dans son dernier rapport intitulé « Pollution plastique : à qui la faute ? », publié mardi 5 mars, ont beau n’être pas nouveaux, leur lecture provoque toujours la même sensation de vertige.

En 2016, la production de plastique a atteint 396 millions de tonnes – soit l’équivalent de 53 kilos pour chaque habitant de la planète – et elle a entraîné des émissions de dioxyde de carbone d’environ deux milliards de tonnes, soit près de 6 % du total des émissions de dioxyde de carbone de l’année, rappelle notamment le document d’une quarantaine de pages élaboré par l’association de protection de l’environnement.

La moitié de l’ensemble du plastique produit depuis 1950 sur la planète l’a été entre 2000 et 2016, relève-t-il encore, avant d’asséner que, « si aucune mesure n’est prise », la production de ce matériau pourrait augmenter de 40 % d’ici 2030. Et que cela doublerait la quantité actuelle de déchets qu’elle génère dans la nature : 100 millions de tonnes par an qui déciment ou empoisonnent plusieurs centaines d’espèces animales par enchevêtrement et ingestion…

75 % de l’ensemble du plastique produit depuis 1950 est aujourd’hui un déchet. Pourtant, le WWF assure qu’il est « possible » d’inverser la tendance et de mettre fin à la pollution plastique dans la nature d’ici 2030 en comblant les failles d’un système de production, d’utilisation et d’élimination du plastique qui ne tient aucun de ses acteurs « pour responsable ». 

Les pays riches sont aussi les plus polluants

Dans son rapport, l’ONG explique notamment qu’à l’origine de la crise mondiale de la pollution par le plastique se trouvent les pays à revenu élevé qui génèrent dix fois plus de déchets par personne que les pays à faible revenu et qui exportent 10 à 25 % de ces déchets. La France, un des plus gros consommateurs de matières plastiques, n’en recycle par exemple que 21 %.

« Nous sommes un peu tous responsables de la pollution plastique – citoyens, entreprises, pouvoirs publics – ce qui signifie du même coup que nous pouvons tous faire quelque chose pour y remédier » explique Isabelle Autissier, présidente du WWF France, au Monde. « Ce qui nous intéresse, c’est que soient appliquées – à l’échelle globale, nationale ou locale – des solutions qui existent déjà, comme la réduction de notre consommation de plastique, le réemploi, le recyclage, ou encore le développement de matériaux alternatifs ».

Pour extraire la planète de sa dépendance au plastique ravageur, le WWF exhorte donc tous les acteurs de la société à une « action collective » pour préserver leurs « biens communs ». Et pour chaque strate, l’association a tracé une feuille de route.

Aux entreprises et industries impliquées dans la production, la promotion et la vente de produits en plastique, elle enjoint de réduire le plastique excessif et inutile, de mettre sur le marché des produits recyclables, en matières recyclées ou des matériaux alternatifs durables, d’investir dans des systèmes de gestion des déchets respectueux de l’environnement, et de soutenir l’élaboration de lois et de bonnes pratiques pour une mise en œuvre effective des politiques gouvernementales.

La piste d’un traité international

Le WWF invite aussi la société civile à « demander des comptes » aux institutions internationales, aux gouvernements nationaux et au secteur privé, à trouver des « solutions systémiques » en collaboration avec les entreprises et les gouvernements et à fournir au « grand public » des « outils » pour la défense de l’environnement.

L’ONG incite ces citoyens à s’« assurer » que les représentants des gouvernements et des entreprises agissent pour « lutter contre la pollution plastique », et à user de leur « pouvoir de consommateur » en réduisant leur utilisation du plastique.

Mais c’est aux gouvernements que le WWF a réservé le programme le plus ambitieux. Il leur demande de « convenir d’un traité international juridiquement contraignant » pour enrayer la pollution plastique des océans, et d’établir des objectifs nationaux chiffrés favorisant la réduction à la source, le réemploi et le recyclage du plastique.

Pour Isabelle Autissier, les Etats ont l’opportunité de s’engager solennellement à y travailler dès la prochaine assemblée des Nations unies pour l’environnement qui se tiendra à Nairobi du 11 au 15 mars.