Le village de Laguiole, dans l’Aveyron, pourra enfin déposer son propre nom. La cour d’appel de Paris a annulé, mardi 5 mars, vingt marques Laguiole propriété d’un entrepreneur qui les utilisait pour commercialiser toute une gamme de produits souvent importés.

Le village se battait depuis plus de vingt ans pour retrouver son nom face à cet entrepreneur du Val-de-Marne, Gilbert Szajner. Ce dernier avait déposé la marque pour désigner non seulement des couteaux, grande tradition de la commune, mais aussi du linge de maison, des vêtements, des engrais ou encore des barbecues. Contre redevance, Gilbert Szajner accorde en outre des licences à des entreprises françaises et étrangères qui peuvent commercialiser sous le nom Laguiole des produits qui n’y sont pas fabriqués.

Risque d’« induire en erreur le consommateur »

Dans ce volet du litige, Laguiole, mondialement connue pour ses couteaux fermants au manche siglé d’une abeille, fabriqués depuis le XIXe siècle, avait saisi le tribunal de grande instance de Paris en 2010. Celui-ci l’avait débouté en 2012 – jugement confirmé en 2014 en appel. Mais, en 2016, la Cour de cassation avait cassé en partie la décision de 2014.

Relevant que, selon un sondage, 47 % des Français associaient le nom de la commune aux couteaux et fromages, la Cour de cassation avait estimé qu’il existait un risque d’« induire en erreur le consommateur moyen en lui faisant croire que ces produits étaient originaires de ladite commune ». L’affaire était donc revenue devant la cour d’appel de Paris qui, mardi, a annulé vingt marques Laguiole déposées par M. Szajner.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Dans leur arrêt, les juges dénoncent une « fraude », « une stratégie visant à priver la commune et ses administrés de l’usage du nom Laguiole ». La cour d’appel a en revanche refusé de condamner M. Szajner pour pratiques commerciales trompeuses, estimant celles-ci insuffisamment caractérisées.

50 000 euros pour le préjudice moral

Gilbert Szajner, son fils et leur société Laguiole devront verser solidairement 50 000 euros au village au titre de son préjudice moral, et chacun 20 000 euros au titre des frais de justice. Gilbert Szajner peut encore former un pourvoi en cassation.

« On va retrouver la possibilité d’utiliser notre nom, ce qu’on nous avait retiré ! », s’est félicité le maire du village, Vincent Alazard. Selon lui, « la majorité » des marques concurrentes sont ainsi annulées, même si quelques-unes subsistent.

Dans un volet distinct, la société qui fabrique les « véritables » couteaux de Laguiole avait gagné en 2017 devant la justice européenne face aux couteaux et couverts commercialisés par M. Szajner sous l’appellation Laguiole.