Inhospitalier, voire carrément hostile. C’est ainsi que la plupart des femmes pourraient qualifier la plate-forme de microblogging Twitter. A plus forte raison si elles affichent des idées féministes et appartiennent à une minorité. L’affaire de la Ligue du LOL – du nom d’un groupe privé Facebook composé de journalistes et de communicants accusés d’avoir organisé des campagnes de dénigrement, notamment envers des consœurs sur Twitter – a montré que, dès ses débuts, à la fin des années 2000, le réseau social pouvait être l’arme privilégiée des cyber-harceleurs. Dix ans plus tard, le climat a changé. Après une longue période d’impunité, Twitter est devenu une plate-forme un peu plus respirable. A mesure que de nombreux cas de harcèlement ont été mis au jour, une contre-offensive organisée a été mise en place par des militantes.

« La création, ces dernières années, d’associations et de collectifs comme Féministes contre le cyber-harcèlement ou Prenons la une – très présents sur Twitter – a évidemment contribué à la dénonciation des propos et comportements problématiques », explique l’historienne spécialiste des féminismes, Bibia Pavard. A commencer par la reconnaissance même du cyber-harcèlement, le but premier du très actif collectif Féministes contre le cyber-harcèlement. Celui-ci a lancé au début de 2016 une campagne de sensibilisation autour du hashtag #TwitterAgainstWomen pour alerter le réseau social accusé de « laxisme » en matière de cyberviolences.

Collectifs, tutoriels et témoignages

Un autre collectif, #JamaisSansElles a lancé un appel aux avocats afin d’accompagner gratuitement les victimes de la Ligue du LOL et de cyber-harcèlement en général. Une vingtaine d’avocats se sont portés volontaires. Car le combat contre le cyber-harcèlement doit aussi se porter hors des réseaux. « L’idée selon laquelle on ne peut rien faire une fois que c’est sur Internet est persistante », explique-t-on au centre Hubertine-Auclert, observatoire associé à la région Ile-de-France. Il s’agit aussi de « prouver aux cyber-harceleurs que l’impunité ne sera jamais victorieuse, et de rappeler aux réseaux sociaux leur responsabilité en matière de sécurité », précise Marie-Pierre Badré, la présidente du centre, et par ailleurs conseillère régionale Les Républicains.

Dans le cadre de son travail de prévention et de lutte contre les cyberviolences sexistes et sexuelles, le centre a développé notamment des tutoriels pour que les victimes et leurs alliés apprennent à mieux signaler les contenus et aient ainsi de meilleures chances de voir leurs demandes aboutir.

D’autres féministes travaillent à voir dignement reconnues les violences envers les femmes. Ainsi, dans leur combat en matière de féminicides, Les Effronté·es n’ont eu de cesse, notamment, d’alerter sur l’utilisation pernicieuse et « romantisante » de l’expression « crime passionnel ».

Au-delà de la pédagogie et du lobbying, pour ses partisanes, le militantisme féministe se matérialise sur Twitter à chaque fois qu’une utilisatrice – anonyme ou non – envoie son soutien à une personne cyber-harcelée, épingle un twittos problématique ou témoigne sous un hashtag. C’est ainsi que, à l’image de #MeToo, ont commencé la plupart des grandes mobilisations en ligne sur le sujet.