Edinson Cavani et Kylian Mbappé après l’élimination du PSG face à Manchester. / FRANCK FIFE / AFP

Alain Roche a tout connu et remporté avec le PSG : une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe en 1996, un titre de champion en 1994 et trois Coupes de France. Directeur de la cellule de recrutement du club parisien de 2006 à 2012, avant de quitter le club peu après le rachat par les Qataris. Il a aussi vécu l’un des plus grands traumatismes de l’histoire du football français avec l’équipe de France lors de la défaite face à la Bulgarie en 1993. Il revient pour Le Monde sur l’élimination du PSG face à Manchester United en huitièmes de finale de la Ligue des champions.

Passée la stupeur, quelle analyse faites-vous de cette élimination du PSG ?

La désillusion est plus grande qu’il y a deux ans face au Barça, car le match se jouait à domicile, face à une équipe décimée, très peu expérimentée. Etre sorti en huitièmes de finale trois saisons d’affilée veut dire que le problème est profond. C’est un manque de caractère, pas de talent. Il faut montrer du leadership. Mais le scénario du match montre aussi le côté irrationnel de ce sport, ce qui fait que tout le monde l’adore et qu’il est si populaire. Tout peut se passer, c’est un truc de dingue.

Comment expliquez-vous cette déroute du PSG après la performance aboutie du match aller ?

Les joueurs étaient motivés, mais ils ont peut-être eu un relâchement inconscient en début de match et cette première erreur de Kehrer a tout plombé. Les joueurs n’étaient pas dans le même état d’esprit que lors du match aller. Rashford a, par exemple, tout le temps de frapper alors que les joueurs parisiens se battaient comme des chiens sur tous les ballons à Old Trafford. On a pensé que ce serait plus facile. En deuxième mi-temps, ils ne savaient plus trop s’il fallait attaquer, défendre. On a même eu l’impression que certains ne voulaient pas le ballon pour ne pas prendre de risque.

Les joueurs sont capables d’aller au combat, ils l’ont déjà prouvé, mais il manque des joueurs qui dégagent quelque chose que les autres n’ont pas, à l’image d’un Sergio Ramos qui fait peur, qui a du charisme, qui est agressif, dur. Qui impressionne, quoi. Thiago Silva est un bon joueur, mais trop propre. Il faut transmettre de la grinta. Il n’y a pas de réaction dans les moments compliqués. L’équipe n’a pas le caractère pour les matchs à élimination directe. D’ailleurs, la seule fois où le club a été en quarts de finale, c’était avec Zlatan Ibrahimovic.

Des joueurs comme Buffon et Dani Alvès ont été recrutés pour justement apporter toute leur expérience lors de ces rendez-vous européens…

Le football est un sport collectif, il y a toujours des gens autour de vous, dont vous dépendez. Vous pouvez avoir de l’expérience, mais la contrepartie est justement le poids de l’âge. Buffon n’est plus le Buffon d’il y a quelques années. Dani Alvès pareil, d’autant qu’il joue à un poste qui n’est pas le sien, et il était déjà passé à côté face au Real Madrid la saison passée. Il y a des leaders naturels mais il faut aussi l’être sur le terrain. Quand vous n’êtes pas bien sur le terrain, c’est difficile de transmettre quelque chose aux autres. Quand vous ratez vos premiers ballons, vous pensez à rectifier le tir plutôt qu’à raisonner en terme collectif.

Qui est responsable de ce désastre ?

C’est un tout, qui part de la direction. Il y a un certain confort à Paris. Le président est quelqu’un de très intelligent, brillant, mais j’ai envie d’un président qui en impose, qui ne se laisse pas faire dans les instances du foot, qui répond aux critiques extérieures des clubs européens ou de certains directeurs de ligue professionnelle. J’ai envie d’un président qui ne dit pas amen à tous les joueurs lors des discussions pour une prolongation de contrat. J’ai été joueur, et quand vous n’avez personne qui vous critique, vous avancez à votre rythme. On essaye de se remettre en question, mais quand le patron ne dit rien…

Je ne tiens pas Nasser Al-Khelaïfi responsable de la performance des joueurs, mais de leur gestion globale depuis quelques années. Les Qataris ont fait du PSG un club magnifique, avec des hommes de l’ombre très compétents comme Jean-Claude Blanc, mais il n’y a pas assez de pression mise sur les joueurs.

Et Thomas Tuchel, dont le coaching avait été loué après le match aller ?

Je reste persuadé que c’est un bon choix. Tactiquement, il a tenté beaucoup de choses qui ont fonctionné. Il a fait jouer des joueurs à des postes qui étaient improbables pour eux. Il sait manier la carotte et le bâton. Il leur a donné beaucoup d’affection et de liberté. Il doit se sentir trahi aujourd’hui.

Que faut-il changer au PSG ?

Le club a déjà connu trois entraîneurs et trois directeurs sportifs en quatre ans. Par contre, c’est toujours le même président. Nasser Al-Khelaïfi est le dénominateur commun. Il y a aussi des joueurs qui sont là depuis de nombreuses années, trop peut-être… il faudrait renouveler l’effectif. Ça va peut-être se faire naturellement vu les déclarations de Neymar qui ne ferme pas la porte à un départ. Il va sûrement y avoir des bouleversements cet été.

Les dirigeants vont peut-être devoir revoir leur recrutement. Neymar et Mbappé sont fantastiques pour l’image du championnat français – la Ligue 1 a franchi le cap du milliard d’euros de droits télé, je ne remets pas ça en question –, mais leur recrutement a un impact sur la constitution du reste de l’effectif, son homogénéité.

Le PSG est-il une « institution » au-dessus des joueurs ? Manque-t-il justement des joueurs historiques dans l’organigramme du club ?

Oui, et je le dis depuis longtemps. Il ne faut pas oublier que ce club a une histoire, que des gens ont participé à son développement. Il a gagné des titres – moins de championnats certes, mais une Coupe d’Europe –, il a été en demi-finales de la Ligue des champions. Le PSG est une vraie institution, il n’est pas né avec l’arrivée des nouveaux actionnaires.

On a besoin de mecs qui défendent l’institution, qui aiment ce club, qui vont se battre pour lui, et je ne prêche pas pour ma paroisse, car j’ai déjà passé neuf ans comme dirigeant. Mais il faut évidemment que ces gens soient compétents. On ne va pas prendre des anciens joueurs juste parce que ce sont des anciens joueurs. Ils doivent être capables de diriger, d’entraîner des jeunes, comme dans tous les grands clubs. Dites-moi quels sont les anciens joueurs présents au PSG ? Maxweel, Papus Camara, Pierre Reynaud et Tiago Motta. C’est tout. Comparé à ce qui se fait dans des clubs comme la Juventus, le Real, le Bayern… mais il n’y a même pas besoin d’aller aussi loin, regardez Lyon.

Les joueurs peuvent-ils se relever de cette soirée cauchemardesque ?

Ils vont s’en relever, ils sont professionnels. Ils ont beaucoup d’avance en championnat. Quand ils ont perdu face au Barça, on a pensé que ça allait être la déliquescence jusqu’à la fin de saison, mais ils ont tout gagné. Ils vont faire le job. L’année prochaine en Ligue des champions ? Ça va être plus compliqué. Si des joueurs s’en vont, il faudra reconstruire. L’argent peut faire venir des joueurs, mais s’ils ne viennent que pour l’argent. Les quelques jours de repos accordés aux joueurs vont leur faire du bien. Vous savez, moi, j’ai connu France-Bulgarie, je peux me mettre à leur place. Après ça, vous n’avez plus envie de sortir. Juste de rester enfermé.