A la marche pour la Journée internationale des droits des femmes, à Berlin. Dans le Land, le 8 mars est devenu, en janvier, un jour férié. / HANNIBAL HANSCHKE/REUTERS

A Berlin, on n’offrira plus de fleurs à ses collègues femmes le 8 mars au travail. Non pas parce que les habitants ont compris que ce geste pouvait paraître déplacé en cette journée consacrée aux luttes pour les droits des femmes : la raison est qu’à l’avenir plus personne n’ira au bureau ce jour-là dans la capitale allemande, à moins d’être d’astreinte. Le Land a fait du 8 mars un jour férié. La décision, votée en janvier, a été appliquée immédiatement. Elle est inédite en Allemagne.

L’origine de cette initiative pourra sembler décevante : Berlin était un des Länder qui comptaient le moins de jours fériés. Neuf jours par an, contre treize dans la riche Bavière et douze dans l’opulent Bade-Wurtemberg, preuve que la prospérité n’est pas forcément une question de quantité de travail, répétait-on dans la capitale. La coalition tripartite au pouvoir à Berlin – sociale-démocrate, gauche radicale, Verts – a donc décidé de remédier à ce déséquilibre régional.

Plusieurs options proposées

Trouver un nouveau jour férié, mais lequel ? Les débats de l’hiver ont vu s’opposer plusieurs options. Le chargé de la mémoire de la dictature est-allemande défendait la date du 9 novembre, jour de la chute du Mur (en 1989), qui a coupé la ville en deux pendant vingt-huit ans. Mais ce jour est lourdement chargé dans l’histoire allemande : il est notamment celui du putsch d’Adolf Hitler, en 1923, et celui de la Nuit de cristal et ses pogroms antijuifs, en 1938. Le 9 novembre est en outre la date anniversaire de la révolution de novembre 1918, où la République a été proclamée à Berlin.

Les Eglises et le monde économique défendaient, eux, un anniversaire plutôt conservateur : ils voulaient suivre l’exemple des Länder du nord (Hambourg, Brême, Schleswig-Holstein et Basse-Saxe), qui ont récemment fait du 31 octobre, jour de la Réforme luthérienne, un jour férié. Ce jour est également non travaillé dans les Länder de l’Est. Mais Berlin n’a pas la réputation d’être un Land très religieux, encore moins aujourd’hui que dans le passé.

Les élus régionaux de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) militaient, pour leur part, pour un jour férié mobile, fixé à une date différente chaque année, en fonction de l’actualité. « Nous ne voulons pas de routine, nous voulons des commémorations engagées », a plaidé le chef du groupe parlementaire, Burkard Dregger, expliquant que beaucoup de commémorations seraient adaptées pour un jour férié unique, à l’occasion d’un anniversaire marquant. Par exemple, celui des 30 ans de la chute du Mur ou celui des 70 ans du pont aérien de Berlin, qui tombent cette année.

En 2020, le 8 mars tombera un dimanche

Toutes ces options ont finalement été rejetées lors du vote du 24 janvier, qui a consacré largement le 8 mars comme le jour férié manquant au calendrier berlinois. Il doit être « une journée de combat », ont déclaré les deux présidentes du groupe des Verts au Parlement de Berlin, Antje Kapek et Silke Gebel, qui défendaient un « jour politique », capable de rassembler largement, y compris les migrants ou les citoyens issus d’Allemagne de l’Est – la République démocratique allemande célébrait cette journée chaque année.

« Il s’agit de prendre conscience que beaucoup de choses ont été faites dans notre société en faveur de l’égalité, mais que beaucoup reste à faire. Il suffit de penser au monde du travail, où les hommes gagnent plus que les femmes pour le même emploi », a déclaré le maire, Michael Müller. L’administration berlinoise, habituellement peu réputée pour sa vélocité, a décidé d’appliquer la loi immédiatement, le 8 mars 2020 étant un dimanche, l’effet politique de la décision aurait été vain.

Aucun autre Land n’a, pour l’instant, évoqué l’idée de suivre l’exemple berlinois. Mais l’effet symbolique pour tout le pays est important : Berlin est non seulement la capitale politique, mais la ville est considérée depuis quelques années comme une des métropoles les plus dynamiques, modernes et attractives d’Allemagne. De grandes manifestations étaient prévues dans l’après-midi dans plusieurs quartiers de la ville à l’appel d’organisations féministes.

Pourquoi les rues ne portent quasiment jamais de noms de femmes ?
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