Fillette jetant des épluchures au compost. / Yann Avril/Biosphoto

Sur ce grand panneau souple accroché dans le local de l’association Anciela, rue Rachais, dans le 7e arrondissement de Lyon, le plan stylisé d’une ville. Mais aux rues, immeubles, squares, habitants, ont été ajoutées une trentaine de petites bornes, telles des épingles plantées. On croirait un jeu pour enfant. Mais l’affaire est on ne peut plus sérieuse. Chaque borne porte un numéro, qui renvoie à une initiative possible pour améliorer l’environnement : épicerie zéro déchet, composteur collectif, hôtel à insectes, jardin partagé, rucher sur les toits, boîte à livres… « On se sert de ce panneau comme d’un support pédagogique, c’est une sorte de cartes des actions qu’on peut mener prêt de chez soi », explique Justine Swordy, 27 ans, animatrice. L’affiche symbolise ainsi toute l’activité de l’association.

Créée par Martin Durigneux, 30 ans, ancien étudiant à Sciences Po Lyon, Anciela a pour but d’encourager et d’accompagner les initiatives citoyennes en faveur d’une société plus écologique et solidaire. A l’heure où la question du climat mobilise, son activité suscite un sérieux engouement. Après cinq ans d’existence, l’association compte une centaine de bénévoles. Elle a suivi plus de 450 projets de toutes sortes dans la région lyonnaise.

Accompagner

Les marches pour le climat ont rassemblé jusqu’à 15 000 personnes dans la capitale des Gaules, où la préoccupation pour le sort de la planète s’est fortement exprimée en pleine crise des « gilets jaunes ». Comme si l’une n’empêchait pas l’autre. Comme s’il était malvenu de vouloir opposer les fins de mois à la fin du monde. « Ces marches démontrent que la transition énergétique n’est pas qu’une affaire de leaders mondiaux ou de sommets internationaux, les citoyens sont prêts à se mobiliser, à agir à leur échelle, quel que soit leur niveau social, estime Martin Durigneux. Mais ils n’ont pas forcément les moyens ou l’espace pour le faire. Nous, on ne décide pas d’une action, on part de l’idée de quelqu’un ou d’un collectif, et on l’accompagne. »

Exemple récent : Anciela a aidé un groupe à créer l’Atelier soudé. Objectif : réparer des appareils, le plus souvent électroniques, pour prolonger leur durée de vie. Et ainsi limiter les déchets polluants. Moyennant une cotisation annuelle de 20 euros, chacun peut se rendre une fois par semaine au local de l’association avec un objet à réparer. Ou une bonne idée à partager. « Soudé », dans tous les sens du terme, l’atelier au décor de joyeux capharnaüm, respire la patience et la bienveillance.

Jeudi 28 février, en soirée, un nouveau visiteur apporte un ordinateur qui a pris un verre d’eau, pendant qu’un jeune bénévole se penche sur une imprimante fatiguée. « Les imprimantes c’est la caricature de l’obsolescence programmée, on arrive à les restaurer mais ça prend du temps », déplore Gérard Marignier, 65 ans, ancien électronicien à la retraite qui met son temps livre au service des autres.

Entre dix heures de boulot pour réparer une plaque à induction, et dix minutes pour ressouder un casque audio, tous les cas de figure se présentent dans cet atelier très fréquenté. Il compte plus de 1 350 adhérents, et une quarantaine de bénévoles. « Si on ne change pas nos pratiques, on va dans le mur. Ici, on agit à notre niveau mais on agit », dit Patrick Gasparin, 46 ans, ancien réparateur chez Darty, inquiet du sort de la planète.

Agir

« La prise de conscience individuelle ou citoyenne, c’est la clé qui ouvre la porte. 95 % des initiatives pour l’environnement commencent par la démarche d’une, deux ou trois personnes », dit Martin Durigneux. Pour ne pas laisser s’évaporer l’initiative citoyenne, l’association Anciela vient également de créer « les ambassadeurs du changement ». Sur la base de rencontres individuelles d’une heure, il s’agit de former des citoyens volontaires pour relayer des idées et des solutions dans leur cercle proche – la famille, le quartier, la commune ou l’entreprise… « On a déjà trois cents personnes sur liste d’attente, l’opération commence en avril », annonce fièrement le responsable d’Anciela.

Beaucoup en sont convaincus : la lutte pour le climat passe par les « leaders énergétiques », ceux qui peuvent donner la bonne impulsion au bon endroit. Chercher des toits pour installer des panneaux photovoltaïques, fabriquer des vêtements à partir de tissus collectés, récupérer les déchets de chantiers pour les recycler… la liste d’actions est plus longue qu’un discours de Lider Maximo. Confrontée à la pollution et au réchauffement climatique, l’agglomération lyonnaise regorge de désirs citoyens. Et pas seulement dans les quartiers « bobos ».

Anciela a ainsi fait du porte-à-porte pour mener une enquête, à la demande de la ville de Vaulx-en-Velin. Il en ressort une attention toute particulière pour les questions d’environnement, sans idéologie, plutôt sous l’angle concret. « On nous disait que l’environnement n’intéresserait pas dans des quartiers moins favorisés, c’est une idée fausse », constate Justine Swordy. Avec l’appui de la métropole, l’association a créé la Maison pour agir, dans le quartier du Mas du Taureau, à Vaulx-en-Velin. La première action a consisté à partager des recettes pour éviter le gaspillage. Depuis, la maison reste ouverte trois après-midi par semaine.

Climat : A Lyon, on en parle pour mieux agir

Fin du mois ou fin du monde ? Certaines métropoles, dont Lyon, espèrent pouvoir refuser cette alternative. Non sans quelques raisons d’espérer : concomitamment à l’acmé de la mobilisation des « gilets jaunes », les marches pour le climat attiraient jusqu’à 15 000 personnes dans les rues de la deuxième ville de France.

Pour autant, la mise en œuvre concrète de la lutte contre le réchauffement climatique requiert une ingénierie fine autant que des moyens substantiels. Dès 2015, un premier plan climat a permis de fédérer des initiatives citoyennes et associatives sous l’égide de la métropole, notamment en matière d’énergie, de climat et de qualité de l’air. Sous-jacente à cette volonté, l’idée d’impliquer toutes les catégories de population – comme partout en France, précarités sociale et énergétique vont souvent de pair dans l’agglomération lyonnaise.

Le vote, en décembre, d’un nouveau Plan climat air énergie territorial (Pcaet) est censé permettre une « accélération des prises de conscience », selon David Kimelfeld, président de la Métropole de Lyon. Il sera précédé par plusieurs événements, dont, samedi 9 mars, une journée de débats, dont Le Monde est partenaire, au cours de laquelle habitants et associations sont invités à débattre avec les élus (événement gratuit sur inscription https://yurplan.com/event/ONSYMETTOUS/39023). La thématique de la journée sonne comme un slogan : « On s’y met tous ».

Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la Métropole de Lyon.