« Chicago, October 1976 », de Vivian Maier, tirage chromogène, posthume. / ESTATE OF VIVIAN MAIER / GALERIE LES DOUCHES ET HOWARD GREENBERG

LES CHOIX DE LA MATINALE

En ce week-end où la météo ne s’annonce pas des plus clémentes, pourquoi ne pas en profiter pour découvrir quelques galeries parisiennes et les artistes qu’elles exposent ?

John Myers chez Clémentine de la Féronnière : des portraits pleins d’humour

« Boy with Ball » (1974), de John Myers. / JOHN MYERS / GALERIE CLÉMENTINE DE LA FÉRONNIÈRE

Il y a un classicisme hors du temps dans les portraits sensibles qu’a faits le Britannique John Myers dans les années 1970, exposés à la galerie Clémentine de la Féronnière, à Paris. Armé d’une lourde chambre Gandolfi, il a fait poser ses amis, ses voisins dans sa petite ville de Stourbridge (près de Birmingham).

John Myers croque les gens chez eux, dans leurs délicieux intérieurs anglais, sur fond de posters musicaux, de tapisserie à fleurs ou de faux feux de cheminée, fiers ou embarrassés, le regard toujours intense.

Mais les images de John Myers, dont la plupart n’ont pas été montrées pendant près de quarante ans – la photographie documentaire a longtemps été négligée outre-Manche –, ­ portent aussi la marque des changements d’époque : on y voit des bikers, des jupes courtes et des canapés psychédéliques, ainsi qu’une collection de télévisions. Une typologie pleine d’humour. Claire Guillot

Galerie Clémentine de la Féronnière, 51, rue Saint-Louis-en-l’Ile, Paris 4e. Tél. : 01-42-38-88-85. Jusqu’au 6 avril.

Baptiste Rabichon chez Binome : une « Double Exposition »

« (#001) », série « Chirales » (2014- 2019), de Baptiste Rabichon. / BAPTISTE RABICHON, COURTESY GALERIE BINOME

On n’est jamais certain de ce que l’on voit avec Baptiste Rabichon, jeune artiste qui aime expérimenter toutes les façons de produire des images. Nouvelle preuve à la Galerie Binome, où il présente d’étonnants diptyques qui ressemblent à première vue à de la peinture abstraite. Jusqu’à ce qu’une observation attentive révèle, entre les deux images, des correspondances, des reflets, des superpositions, des effets de négatif/positif ou de double… et même une main humaine qui traîne.

L’artiste a en fait utilisé deux scanners en face-à-face, qui ont numérisé en même temps les deux côtés d’une plaque de verre couverte de taches de peinture. Il obtient donc deux images qui sont comme un endroit et un envers, reliés mais jamais symétriques, pollués par les hasards techniques qu’affectionne l’artiste : éblouissements, arc-en-ciel, main qui tient la feuille… Il est étonnant comme le cerveau du spectateur, une fois averti qu’il s’agit d’une photographie et non d’une peinture, traite l’image différemment, en reconstruisant une troisième dimension.

Entre processus mécanique et travail manuel, entre hasard et maîtrise, l’artiste met surtout à nu l’artifice qui accompagne toute image, dans sa fabrication comme dans son appréhension. Cl. G.

Galerie Binome, 19, rue Charlemagne, Paris 4e. Tél. : 01-42-74-27-25. Jusqu’au 16 mars.

Vivian Maier aux Douches : un regard haut en couleurs

« Chicago, October 1976 », de Vivian Maier, tirage chromogène, posthume. / ESTATE OF VIVIAN MAIER / GALERIE LES DOUCHES ET HOWARD GREENBERG

Avertissement : évitez le samedi pour aller voir l’exposition « The Color Work » consacrée à Vivian Maier à la galerie Les Douches. La réputation de cette photographe américaine aussi talentueuse que mystérieuse, qui a travaillé comme nounou pour gagner sa vie, et dont les archives ont été retrouvées lors d’une vente aux enchères en 2007, attire une foule compacte.

Un succès populaire auquel la petite galerie carrelée, installée dans un ancien bain public art déco, spécialiste d’auteurs pointus de la photographie, n’est guère habituée. Au point que la galeriste a dû recruter sa famille pour faire patienter les visiteurs et les avertir de la fragilité des œuvres.

Cette fois, ce sont les photographies en couleur de l’artiste qui sont exposées, en lien avec un livre paru en anglais aux éditions Harper Design (240 pages, 75 euros). Et comme à chaque fois que des images de la photographe sont exhumées des archives, c’est son talent qui saute aux yeux, son sens du cadrage, son goût pour la confrontation avec son sujet et son regard singulier, avec une obsession constante pour l’autoportrait et un intérêt égal pour toutes les classes sociales, et pour les Noirs-Américains. Cl. G.

Les Douches la Galerie, 5, rue Legouvé, Paris 10e. Tél. : 09-54-66-68-85. Jusqu’au 30 mars.

André Breton à la Galerie 1900-2000 : des invendus au parfum de surréalisme

Sans titre, dessin préparatoire pour « Nude » (1945), d’Arshile Gorky, dessin au fusain et gouache sur papier. / GALERIE 1900-2000

On la croyait dispersée depuis 2003 quand la collection d’André Breton que recelait son appartement de la rue Fontaine avait été vendue après dix jours d’enchères historiques à Drouot. Et bien il en restait encore : la Galerie 1900-2000 dont le fondateur, Marcel Fleiss, était un des experts de ladite vente, montre une sélection d’œuvres conservées jusque-là par les héritiers du poète. Une aquarelle des débuts de Picabia et une encre réalisée vingt-trois ans plus tard, deux Gorky à se damner, des dessins de Matta, trois photos et un dessin de Man Ray, un dessin de Masson et un autre de Ernst, des « cadavres exquis », des œuvres de Silbermann et de bien d’autres encore, mais aussi des éditions rares : un parfum de surréalisme qu’il est bon de humer à nouveau. Harry Bellet

Galerie 1900-2000. 8, rue Bonaparte, Paris 6e. Tél : 01-43-25-84-20. Jusqu’au 30 mars.

Zao Wou-Ki chez Kamel Mennour : des décennnies d’encres et d’aquarelles

L’une des œuvres de Zao Wou-Ki exposée à la galerie Kamel Mennour (Paris 6e). / ADAGP ZAO WOU-KI / COURTESY THE ARTIST AND KAMEL MENNOUR, PARIS/LONDON

En 2002, un galeriste débutant se rend chez Zao Wou-Ki pour lui proposer d’exposer ses encres en compagnie d’œuvres d’Henri Michaux, et l’artiste accepte la demande. Aujourd’hui, Kamel Mennour est l’un des galeristes français les plus en vue, et Zao Wou-Ki, qui est mort en 2013, l’un des artistes de sa génération dont les œuvres sont les plus recherchées des collectionneurs.

L’exposition est, comme la première, consacrée aux œuvres sur papier, encres et aquarelles, de 1948 à 2009. Les plus anciennes sont des études d’après les lavis de Rembrandt. Les dernières célèbrent l’intensité de la couleur, mondes flottants parcourus de lignes dénouées qui font songer aux derniers Monet, les plus aquatiques.

Entre ces bornes temporelles s’étendent les décennies de l’encre, du noir le plus dense au plus dilué, presque invisible. Philippe Dagen

Galerie Kamel Mennour, 47, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6e. Tél. : 01-56-24-03-63. Jusqu’au 13 avril.