Il a fallu plus de deux mois pour trancher. Samedi 9 mars, l’Elysée a finalement communiqué le nom du futur directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il s’agit du conseiller d’Etat Julien Boucher, actuellement directeur des affaires juridiques du ministère de l’écologie. Son nom revenait depuis plusieurs jours déjà après que d’autres scénarios eurent été esquissés et écartés.

Le projet de nomination doit encore être validé par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, ce qui relève plus d’une formalité au terme de laquelle M. Boucher remplacera Pascal Brice. M. Brice, diplomate, avait été nommé à la tête de l’agence de l’asile à la fin de 2012 et avait rempli deux mandats de trois ans. Il était à l’origine candidat à un troisième mandat, mais son profil ne recueillait pas le soutien du ministère de l’intérieur, qui exerce la tutelle administrative de l’Office depuis 2010.

Un office indépendant

Malgré un bilan positif, dans un contexte de crise majeure, l’indépendance de M. Brice suscitait l’agacement d’une partie de l’administration de la Place Beauvau, face à une demande d’asile croissante en France, alors qu’elle est en baisse à l’échelle de l’Europe. En 2018, plus de 122 000 demandes ont ainsi été déposées, une hausse de 22 % sur un an.

Au ministère de l’intérieur, une partie de la direction générale des étrangers en France (DGEF) considère que la demande d’asile est contournée par des personnes ne relevant pas d’un besoin de protection internationale mais qui viendraient en France trouver des conditions trop « généreuses » d’accueil et d’examen de leur situation. C’est ce qu’on appelle communément la théorie de l’« appel d’air ». La DGEF se fonde ainsi sur le nombre important de demandes d’asile de la part de ressortissants albanais et géorgiens, au second et troisième rang des demandes d’asile en 2018, derrière l’Afghanistan.

Aux yeux de l’administration, la politique française en matière d’asile – fondée sur la mise en œuvre de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés – alimente, en outre, les mouvements secondaires, en provenance d’Italie, d’Allemagne et d’Espagne, qui font de la France un pays de destination finale pour les migrants. A l’appui de ce raisonnement, le ministère de l’intérieur répète souvent qu’environ un tiers des demandeurs d’asile en France ont déjà été enregistrés dans un autre Etat de l’Union européenne.

A contrario, M. Brice, qui jouait d’une proximité non feinte avec le président de la République, défendait mordicus l’autonomie de son office par rapport à la politique migratoire du gouvernement.

Compromis

Si l’hypothèse d’un troisième mandat a vite été écartée, le choix du successeur de M. Brice a achoppé sur une lutte de pouvoir entre le ministère de l’intérieur et celui des affaires étrangères. Selon les textes, c’est sur la base d’une proposition conjointe des deux ministères que le président de la République doit faire son choix.

Place Beauvau, des candidats ont été avancés, comme le chevènementiste Didier Leschi, préfet et actuel directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Mais le choix d’un préfet aurait été vu, notamment au sein de l’Ofpra, comme une reprise en main de l’office, au péril de son indépendance. Le Quai d’Orsay préférait pousser pour la nomination d’un diplomate.

En choisissant un conseiller d’Etat, Emmanuel Macron semble opter pour un compromis. « C’est un accord entre Christophe Castaner et Jean-Yves Le Drian sur la base de quelqu’un proposé par le ministère des affaires étrangères », résume Daniel Cohn-Bendit, ancien eurodéputé et proche d’Emmanuel Macron. Il veut y voir un signal positif : « C’est quelqu’un qui est indépendant. L’intérieur n’a pas réussi à imposer son candidat. Maintenant, on verra ce qu’il fait. »

Pascal Brice, de l’Ofpra : « L’Italie doit accepter les navires de migrants dans ses ports »
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