France 2, samedi 9 mars à 21 heures, documentaire

Amateurs de documentaires animaliers, méfiance : L’Odyssée du loup est avant tout un film, une fiction. Il en possède les attributs, avec son intrigue, son suspense, ses interrogations ; avec son scénario, écrit à partir d’une histoire vraie, celle de Slava, un loup de l’Est européen, qui a traversé tout le Vieux Continent pour enfin devenir un « mâle alpha » et fonder sa propre meute ; avec un acteur reconnu dans la profession, Ted, 6 ans, autre loup européen.

Jacques Perrin, acteur, producteur et réalisateur du Peuple migrateur (2001), d’Océans (2009) et des Saisons (2015), en avait d’ailleurs assez des documen­taires animaliers lorsque son ancien premier assistant, Vincent Steiger, lui a parlé de son projet. « Des scientifiques faisaient un ­recensement de la population de loups en Europe, a expliqué Vincent Steiger au Monde, le 5 mars. Et ils venaient de retrouver l’ADN d’un des loups qu’ils suivaient depuis les Carpates dans les monts Cantabriques. » Ce loup avait donc parcouru 3 800 km en trois ans. Un tel périple devait être porté à l’écran, à condition de coller au plus près des faits.

Les universitaires avaient ­reconstitué l’itinéraire de Slava. Après son putsch raté contre le chef de meute, le jeune loup solitaire était parti de sa Transylvanie natale jusqu’en Espagne, par la Bosnie, la Croatie, la Slovénie, l’Autriche, l’Italie et la France. « On était sûr qu’il avait traversé l’Italie puisqu’on l’a retrouvé en Espagne avec une louve de type italien, ­reconnaissable à son museau plus allongé et ses yeux en amande », précise Vincent Steiger. Les traces de Slava et de sa louve avaient également été retrouvées sur les ­contreforts pyrénéens jusqu’à l’Atlantique. Mais pour le reste…

Un migrant avant tout

« C’est de la fiction ! », complète Vincent Steiger, les rencontres, les détails ont été écrits sous le contrô­le des scientifiques et réalisés grâce à l’expertise de Pascal Tréguy, coordinateur animalier depuis vingt-sept ans. « Un loup va toujours analyser une probléma­tique et trouver une solution. Il va prendre un pont ou nager s’il ­estime que c’est moins dangereux. »

Ted joue le rôle de Slava, le loup aux yeux d’or. / SIGAUD / PAPRIKAFILMS

Slava est avant tout un migrant. Comme tel, il n’évolue pas dans un paysage de carte postale mais traverse les usines désaffectées, suit des voies de chemin de fer, frôle le port pétrolier de Fos-sur-mer (Bouches-du-Rhône).

Pour le casting, Jacques Perrin a exigé de tourner avec de vrais loups européens, « très difficiles à mettre en scène parce que très craintifs vis-à-vis de l’homme »

Pour le casting, Jacques Perrin a exigé de tourner avec de vrais loups européens, certes « très difficiles à mettre en scène, selon Pascal Tréguy, parce que très craintifs vis-à-vis de l’homme », mais incomparables avec leur nez plus court et leur museau plus large. A leur petit trot également. Au total, neuf loups ont joué dans L’Odyssée.

Le film espère ainsi toucher le spectateur, l’amener à mieux apprécier cet animal qui l’effraie. La voix off de l’acteur Kad Merad ­insiste, parfois avec emphase : « Le loup qui de son regard d’or illumine nos forêts d’Europe » ; parfois avec humour : « Slava est un chef qui ne perd pas les plus fragiles. »

Il n’y a en effet qu’en France, où vivent quelque 400 loups, que l’équipe a rencontré une réelle ­animosité lors des prises de vues. « Certains bergers ont pleuré d’émotion en voyant nos loups lors du tournage, témoigne Pascal ­Tréguy. Mais d’autres vouent une véritable haine à cet animal. » Une haine ­paradoxalement salvatrice pour Slava, Ted et les autres, puisque le loup a développé une méfiance à l’égard de l’homme, qui lui a permis de rester en vie.

L’Odyssée du loup, de Vincent Steiger, racontée par Kad Merad (86 min), suivi de L’Odyssée du loup : secrets de tournage à 22 h 30. www.paprikafilms.fr/2017/07/05/lodyssee-du-loup et www.francetvpro.fr/france-2/communiques-de-presse/lodyssee-du-loup-24769882