Renu Begum montre une photo de sa sœur Shamima, le 22 février 2015, après son départ pour la Syrie. / LAURA LEAN / REUTERS

Le gouvernement britannique faisait samedi 9 mars l’objet de vives critiques au Royaume-Uni après l’annonce, vendredi, de la mort en Syrie du bébé de Shamima Begum, déchue de sa nationalité britannique en février, pour avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI) en 2015.

« La mort de tout enfant est tragique et profondément bouleversante pour sa famille », a réagi un porte-parole du gouvernement. « Le ministère des affaires étrangères a toujours déconseillé de se rendre en Syrie depuis avril 2011 », a-t-il ajouté.

Shamina Begum, 19 ans, avait demandé à rentrer au Royaume-Uni avec son fils Jarrah, auquel elle avait donné naissance en février. Le gouvernement a refusé. Le ministre de l’intérieur, Sajid Javid, avait alors précisé que le bébé, dont la mère ne voulait pas se séparer, disposait de la nationalité britannique, mais qu’il serait « extrêmement difficile » de permettre son rapatriement de la Syrie.

« Tous les enfants associés à l’EI sont des victimes »

« Un enfant innocent est mort des suites de la déchéance de nationalité d’une Britannique. C’est insensé et inhumain », a écrit sur Twitter Diane Abbott, membre du Parti travailliste, et ministre de l’intérieur au sein du cabinet fantôme.

« Il est moralement condamnable de laisser une jeune femme vulnérable et un enfant innocent dans un camp de réfugiés, quand on sait que le niveau de mortalité y est élevé », a-t-elle ajouté.

« La mort tragique du bébé de Shamima Begum, Jarrah, est une tache sur la conscience de ce gouvernement. »

L’ONG Save The Children a également étrillé l’exécutif, estimant que la mort de cet enfant « aurait pu être évitée ». Elle a appelé le Royaume-Uni à « prendre ses responsabilités pour ses ressortissants présents dans le nord-est de la Syrie », où est actuellement menée une offensive contre l’ultime bastion de l’EI.

« Tous les enfants associés à l’EI sont des victimes du conflit et doivent être traités comme telles », a souligné l’ONG.

« La situation périlleuse dans laquelle se trouvent ces enfants souligne la nécessité pour les pays d’origine d’assurer de manière urgente la sécurité de leurs citoyens et de les rapatrier. »

Pneumonie

Shamima Begum, originaire de l’est de Londres, a donné naissance à son troisième enfant en février, dans un camp de réfugiés du nord-est de la Syrie après avoir fui le dernier réduit de l’EI à Baghouz. Elle avait fait savoir qu’elle refuserait qu’il soit séparé d’elle pour être rapatrié tout seul au Royaume-Uni.

Le porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), Moustafa Bali, a confirmé vendredi la mort du bébé. Il aurait péri des suites d’une pneumonie, a avancé la BBC en évoquant un certificat médical. Les deux précédents enfants de Shamima Begum, nés après son départ vers la Syrie, sont morts de maladie et de malnutrition.

Shamima Begum avait exprimé en février son désir de rentrer au Royaume-Uni, tout en affirmant ne pas regretter son départ pour la Syrie. Cette déclaration avait choqué l’opinion publique britannique, marquée par une série d’attentats en 2017 revendiqués par l’EI.

Son cas illustrait le dilemme de plusieurs gouvernements européens, entre interdire le retour de leurs ressortissants djihadistes pour des questions de sécurité, ou les laisser revenir pour les traduire en justice.

Rapatriement « extrêmement difficile »

Sajid Javid avait pris la décision à la mi-février de déchoir la jeune femme de sa nationalité britannique, arguant qu’elle disposait également de la nationalité bangladaise, et ne devenait donc pas apatride, conformément au droit international.

La famille de Shamima Begum a fait appel de cette décision. Dans un courrier, elle avait réclamé l’aide du ministre de l’intérieur pour « ramener à la maison » le fils de Shamima Begum. Le bébé est un « véritable innocent » qui doit pouvoir bénéficier du « privilège d’être élevé en sécurité dans ce pays », plaidait-elle.

Sajid Javid avait confirmé que le bébé disposait de la nationalité britannique mais confié devant un comité parlementaire qu’il serait « extrêmement difficile » de le rapatrier. « S’il est possible de ramener un enfant britannique dans un endroit où se trouve une représentation consulaire britannique, en Turquie par exemple, je suppose qu’il serait possible de prendre des dispositions pour aider un retour, avec le consentement des parents », avait-il déclaré.

Le député Brandon Lewis, président du Parti conservateur, a soutenu le ministre. « En Syrie, que ce soit dans un camp ou n’importe où ailleurs, il n’y a pas de présence consulaire britannique », a-t-il déclaré samedi sur la BBC. « Le rôle du ministre de l’intérieur dans ce pays est d’assurer la sécurité des Britanniques. »