Michel Barnier assiste au match Irlande-France du Tournoi des six nations, à Dublin, le 10 mars. / Peter Morrison / AP

Entre Londres et Bruxelles, les reproches mutuels ont pris le pas ces derniers jours sur les pourparlers. A quelques heures d’un nouveau vote décisif à la Chambre des communes sur le traité du divorce, c’est mauvais signe : la preuve que côté Européens, on craint toujours autant une sortie de route – un Brexit sans accord – et qu’on prépare désormais ses arrières afin d’éviter d’en porter le chapeau.

Vendredi 8 mars, Michel Barnier, le négociateur en chef pour les Vingt-Sept, a publié une série de Tweet très inhabituels, dévoilant le contenu des discussions avec son alter ego britannique Steve Barclays et le procureur général Geoffrey Cox. Les négociations sont toujours dans l’impasse, les Britanniques continuant à critiquer le principe et la forme du « backstop », ce filet de sécurité censé prévenir, après le Brexit, le retour d’une frontière dure en Irlande.

« L’Union européenne a proposé une interprétation légalement contraignante de l’accord de retrait, précisait le Français, confirmant travailler à cette demande formulée par Theresa May en février. L’UE s’engage à donner au Royaume-Uni la possibilité de sortir unilatéralement de l’union douanière, à condition que les autres éléments du filet de sécurité irlandais restent en place (…). Le Royaume-Uni ne sera pas coincé dans une union douanière contre sa volonté. »

Injonction très malvenue

Pas question de laisser penser que Bruxelles voudrait piéger le Royaume-Uni dans cette relation douanière le privant, pour un temps indéterminé, d’une politique commerciale indépendante. Mais attention, prévient M. Barnier : pour éviter, quoi qu’il arrive, le retour d’une frontière en Irlande, Londres devrait accepter un maintien de l’Irlande du Nord dans le marché intérieur. Une option que le Français avait formulée dès fin 2017, mais que Mme May avait repoussée en octobre 2018 et que le DUP, le petit parti unioniste nord-irlandais, allié à la première ministre, refuse absolument.

Quelques heures plus tôt, Theresa May avait réclamé un « dernier effort » aux Européens. Une injonction très malvenue à Bruxelles, où les négociateurs estiment avoir fait plus que leur part du travail : les 600 pages du traité de divorce sont prêtes, elles ont été endossées conjointement par Mme May et les Vingt-Sept fin novembre.

Il y a une quinzaine de jours, M. Barnier était pourtant sorti plutôt optimiste d’un rendez-vous avec Geoffrey Cox. Il pensait pouvoir le convaincre de revenir sur l’avis juridique que ce juriste respecté avait émis fin 2018 sur le « filet de sécurité « irlandais. Mais leur dîner, mardi 5 mars, s’est mal passé : M. Cox a réclamé qu’un panel d’arbitres indépendants puisse statuer sur l’abandon de ce dispositif sans l’avis de la Cour de justice de l’UE. Inacceptable pour Bruxelles.

Depuis, les équipes du Français et Olly Robbins, l’homme de confiance de Mme May, ont continué de plancher pour tenter de trouver un accord, mais, preuve qu’il n’y croyait plus vraiment, M. Barnier a maintenu dimanche un déplacement à Dublin pour assister au match de rugby Irlande-France du Tournoi des six nations.